Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 34.
Premièrement, à la suite de nos lectures sur cette étude, nous avons compris qu’elle pouvait devenir un inventaire sur la division du travail. Un tel inventaire peut être significatif, dans la mesure où nous pouvons par la trouver les traces des indications pour la possibilité d’une nouvelle approche. Mais selon notre approche philosophique, ce qui est dit sur la division du travail, a autant d’importance que ce qui est dit dans tel contexte. Pour cette raison, en choisissant les œuvres que nous examinerons dans cette étude, nous n’avons pas pris comme critère adéquat ce qui est dit sur la division du travail pour nous limiter à la division du travail. En même temps, nous avons tenu compte du contexte dans lequel ils ont discuté de cette question afin de créer un ensemble significatif.
Deuxièmement, il faut préciser proprement notre question principale pour cette étude : Comment la conception de la division du travail chez Platon et celle chez Marx et Engels peuvent-elles être évaluées comme radicalement opposées, vu la division du travail dans l’histoire de la philosophie ? Plus tôt dans l’introduction, nous avons essayé d’expliquer notre motivation philosophique et la position du problème. Ce faisant, nous avons inclus à cette étude le caractère négatif de la philosophie, une lecture préalable de l’histoire de la philosophie et notre approche historique. L’approche selon laquelle le lieu de la naissance philosophie est la Grèce ancienne,78 nous a guidé en ce concerne la détermination de notre point de commencement. Ainsi, une lecture verticale de l’histoire de la philosophie sur notre question devient-elle possible. Mais, avec ce retour à la Grèce ancienne, nous avons pris le risque de rester clos dans le passé, dans l’hypothèse où notre effort s’est focalisé sur l’histoire. Pour dépasser les limites de l’histoire de la philosophie vers l’avenir c’est-à-dire pour une ouverture sur le non encore venu, nous avons essayé de se servir de notre question,
78 Jean Beaufret, Dialogue avec Heidegger, Tome I La Philosophie grecque, La naissance de la philosophie, Paris : Les éditions de Minuit, 1973, pp 19-37.
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ce qui nous a poussé chercher la possibilité d’une troisième approche comme une clé pour ouvrir le souterrain clos de la maison du passé. L’inattendu advient de l’espérance c’est-à-dire que l’espérance porte l’inattendue dont advient. Nous espérons que nous sommes arrivés à la discussion au présent dans la conclusion de notre étude. Cependant, la Grèce ancienne comme point de commencement pour cette discussion est encore assez vague. D’un côté, la détermination d’un point de commencement est assez difficile, mais d’un autre côté, c’est plutôt assez arbitraire. Avant la détermination exacte de ce point, nous devons mentionner que nous commençons par la Grèce ancienne et essayer d’arriver à nos jours, ce qui implique un retour à l’ancienne puis un effort pour atteindre le présent. Dans ce déroulement chronologique, comme il est problématique d’attribuer un concept contemporain à une époque beaucoup plus ancienne, il est tout aussi problématique de prétendre qu’une chose ne s’y trouve pas parce qu’il n’est pas nommé à cette époque-là. Le fait que le concept ait été nommé comme exacte en ce qui concerne la division du travail pour la première fois au dix-septième siècle, n’a pas posé une difficulté pour notre recherche sur ses racines possibles et ses traces précédentes, au contraire, l’absence de cette nomenclature nous a incités à être beaucoup plus attentif sur la partie de cette recherche en ce qui concerne la division du travail en Grèce ancienne. S’agissant de notre sujet, cette différence entre l’âge antique et l’âge moderne, nous avons préféré un style légèrement différent pour la partie grecque antique lors de cette étude. Dans cette partie, nous imaginons une maison où nous nous entrerons et nous nous installerons, puis, si possible, nous déciderons de la reconstruire ou de la modifier après l’avoir compris explicitement. Dans la mesure où nécessaire, nous essaierons de la déconstruire. Notre question sur la division du travail est donc aussi une clé pour entrer dans ces maisons. Si nous avons recours à notre imagination en rappelant ce vers suivant du poème de Parménide « le même, en vérité, est à la fois penser et être »79, nous pouvons indiquer que c’est la maison où l’être réside donc comme une réponse pour cette question fondamentale de la philosophie en Grèce ancienne : Où donc réside l’être ? Mais ceci n’est pas très
79 Jean Beaufret propose cette traduction au lieu de la traduction d’Aubenque comme « car le même penser et être » pour le vers : « τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι. »
Jean Beaufret, Dialogue avec Heidegger, Tome I La Philosophie grecque, Paris : Les éditions de Minuit, 1973, p.59.
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étonnant, si nous rappelons le sens économique d’οὐσία80 comme la possession : la maison est là où la possession réside. Cette approche est clairement bien étrange à la subtilité des Grecs qui consiste à situer l’être au-delà de ce qui est général. Mais il nous fait penser au fait que ce n’est pas un pur hasard si les textes qui ont le moins de subtilité chez les Grecs traitent probablement sur l’économie. Xénophon d’Athènes utilise l’expression «économie » (οικονομια) pour la première fois dans son œuvre aussi intitulé L’Économique (Οἰκονομικός) dont le contexte contient ce qui peut être interprété comme une sorte de division du travail, comme un sujet significatif. Dans ce dialogue socratique, si nous essayons de dire tout simplement, la raison qu’Ischomaque est un homme bien (καλός κάγαθός) relève une sorte de la division du travail dans sa famille. Alors, nous visitons premièrement la maison de Xénophon et cela constitue le premier chapitre de la première partie, à savoir la division du travail en Grèce ancienne. Deuxièmement, nous traitons la République de Platon. Dans ce dialogue, Socrate effectue une recherche sur la justice et essayons de résumer, nous pouvons prétendre que sa définition contient une interprétation de la division du travail. Nul doute que cette œuvre est plus essentielle que les autres par rapport à notre recherche, à cause de notre question. Cela constitue notre deuxième chapitre de la première partie. Notre troisième visite est un peu plus compliquée que les deux premières ; parce qu’à la fois la maison d’Aristote semble contenir la maison de quelqu’un d’autre et notre clé n’ouvre pas toutes les portes. Pour exprimer cela plus clairement, l’ouvrage d’Aristote Les Politiques, dans lequel on retrouve des traces de la division du travail, comporte à la fois une critique de Platon et la division du travail n’est pas aussi essentielle que les deux autres dans cet ouvrage. Mais c’est très important pour la critique de la division du travail chez Platon et pour proposer une alternative de celle. De plus, cette œuvre contient une référence à l’œuvre Éthique à Nicomaque d’Aristote et nous suivons cette référence pour examiner cette œuvre qui contient les traces de la division du travail.
Dans la deuxième partie, nous suivrons une méthode légèrement différente de la première partie ; La première raison de cette différence de méthode est que la division du travail est nommée à l’époque moderne, c’est-à-dire que à partir de cette époque-là les philosophes
80 A. Motte, P. Somville, Ousia dans la philosophie grecque des origines à Aristote, Louvain-la-Neuve- Paris–Dudley M.A.: Éditions Peeters, 2008, pp. 16-17.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 37.
mentionnent directement de la division du travail. Cela nous amène à examiner ce qu’ils disent de la division du travail et dans quel contexte, plutôt que de la déduire du texte. La seconde raison est que notre sujet n’est pas la division du travail dans l’histoire, mais la division du travail dans l’histoire de la philosophie ; quoiqu’ils ne puissent être considérés indépendamment les uns des autres, nous nous focalisons sur l’approche textuelle plutôt que sur l’approche historique, en raison de l’abondance de références historiques, en particulier dans le chapitre sur Marx et Engels. En d’autres termes, dans la partie la division du travail chez les philosophes modernes, nous examinons les textes sans les attacher aux conditions historiques dans lesquelles le texte a été écrit et les philosophes ont vécu, et la vie des philosophes, contrairement à la première partie. Cette partie est composée de la division du travail dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations d’Adam Smith et des œuvres de jeunesse de Marx et Engels. Nous examinons ce texte d’Adam Smith dans cette étude, quoiqu’il soit assez éloigné de la tradition de l’histoire de la philosophie qui commence par la Grèce antique. Premièrement, l’idée principale de ce texte est la division du travail ; Adam Smith l’accentue énormément puisqu’il est le sommet d’une approche positive de la division du travail chez les modernes. Mais, à l’égard de notre question, notre cause principale est que le style critique de Marx et Engels nécessite une lecture d’Adam Smith pour bien distinguer leurs contre-arguments. Il y a de nombreuses critiques d’Adam Smith dans leurs textes aussi que des critiques de ceux qui ont des idées similaires. Cela aussi est un avantage pour nous de ne pas obliger de détailler les idées d’Adam Smith dans la section sur Marx et Engels, ainsi pouvons-nous exposer explicitement les idées de Marx-Engels. La division du travail chez Marx et Engels constitue notre deuxième chapitre de la deuxième partie. Nous avons examiné la question de la division du travail à la base de leurs œuvres de jeunesse.
Une étude détaillée du sujet de la division du travail chez Marx et Engels dans tous leurs ouvrages, dépasserait sans doute les limites de cette recherche. De plus, ce sujet est trop vaste pour faire l’objet d’une seule étude distincte. Il y a plus de mille cinq cents références directes au terme de la division du travail dans toutes les œuvres de Marx et Engels.81 Dans ceux-ci, ils parlent parfois directement de la division
81 Nous l’avons cherché dans MECW (Marx-Engels Collected Works) cinquante volumes en anglais et dans Die Marx-Engels-Gesamtausgabe (MEGA2) soixante volumes en allemande. Outre les références directes à
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du travail ; c’est parfois la clé d’une analyse profonde. Nous ne nous tromperions pas beaucoup si nous affirmions directement que la division du travail est un point clé pour les approches philosophiques de Marx et Engels. Il est essentiel de comprendre ce point en fonction du sujet de cette étude. Notre première limitation sur cette étude des œuvres écrites par Marx et Engels, est une analyse par rapport à notre sujet, c’est-à-dire à la question directrice de savoir comment Marx et Engels traite la division du travail. Donc, nous les étudions par rapport aux limites de cette question. Outre la difficulté créée par la surabondance d’ouvrages à examiner, la complexité de la structure des ouvrages nous rend également difficile. Cette complexité est le résultat du contenu de leurs œuvres dans leur analyse des points de vue des penseurs de l’histoire de la philosophie et de l’économie sur la division du travail, leurs critiques de leurs prédécesseurs sur la division du travail et leurs réponses aux critiques qui leur sont adressées. Ce qui nous permet de faciliter cette recherche, c’est qu’on peut comprendre toutes leurs autres tendances quand on comprend l’analyse fondamentale de Marx et Engels sur la division du travail. De cette manière, nous pouvons considérer la division du travail comme une seule réalité totale qui peut être analysée selon plusieurs aspects. La compréhension de cela cause également la compréhension des inférences faites de ce terme. Quoiqu’il nous semble possible de mentionner quelques modèles de division du travail qui se répètent dans différents contextes dans leurs différentes œuvres, il serait plus correct d’un point de vue méthodologique de les mentionner à la fin de ce chapitre ; parce que nous avons inféré ces modèles après avoir analysé ces œuvres. Notre deuxième limitation sur cette étude est le choix d’une œuvre comme un guide essentiel : nous traitons principalement l’Idéologie Allemande, qui est un des premiers écrits de Marx et Engels, dans cette partie de l’étude. Nous pensons que cette œuvre contient une analyse et l’histoire de la division du travail dans son intégralité pour comprendre leur approche. Ce texte est considéré comme une rupture avec Feuerbach et Hegel,82 ou comme un texte très instructif qui propose un examen historique crucial des aspects divergents et interdépendants de la théorie hégélienne dans son engagement global à l’histoire de la pensée. Il n’est pas important
la « division du travail » ; il y a six sections d’œuvre dont le titre contient la division du travail, parmi eux, l’une est un court article.
82 Louis Althusser, Pour Marx, avant-propos de Étienne Balibar, Paris : Éditions La Découverte, 2005, pp. 28-29.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 39.
à ce stade de lecture laquelle des deux interprétations nous sommes les plus proches, parce que l’objet de notre étude consiste à parvenir à une présentation détaillée de la division du travail plutôt qu’à une conclusion avec une évaluation sur ce texte.
Le fait que nous examinons ce sujet sur la base du travail de l’Idéologie Allemande ne signifie pas que nous ne traitons pas d’autres travaux. En particulier, afin de suivre plus facilement les arguments, nous inclurons aussi d’autres œuvres dans la condition où ils contiennent les approches complémentaires sur la division du travail en suivant la chronologie des dates d’écriture des travaux.
Dans la partie de la conclusion, nous révélons premièrement les différents types de division du travail que Marx et Engels ont déterminé pour établir une base de comparaison entre les philosophes antiques et les penseurs modernes. Deuxièmement, nous examinons les références de Marx et Engels aux écrivains de l’antiquité sur ce sujet afin d’exposer directement leurs interprétations. Troisièmement, nous concluons par une analyse intertextuelle considérant la division du travail dans l’histoire de la philosophie