Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 11.
1. Le pouvoir-commence et la naissance de la philosophie
C’est à l’agir qu’il revient en particulier de déclencher des pro-cessus dont l’automatisme ressemble ensuite beaucoup à celui des processus naturels, et c’est à lui en particulier qu’il revient de prendre un nouveau commencement, d’inaugurer quelque chose de neuf, de prendre l’initiative ou, pour le dire de façon kantienne, de commencer par soi-même une chaîne. Le miracle de la liberté consiste dans ce pouvoir-commencer, lequel à son tour consiste dans le fait que chaque homme, dans la mesure où par sa naissance il est arrivé dans un monde qui lui préexistait et qui perdurera après lui, est en lui-même un nouveau commen-cement. 1
La philosophie en tant qu’art, technique et savoir a lieu dans l’histoire depuis que les hommes existent, pensent et parlent. Nul doute qu’il y a plusieurs définitions de la philosophie et de sa naissance singulière, ainsi que les hommes ont un commencement. Ce n’est pas par hasard qu’Arendt indique et rappelle « la façon kantienne » dans cette épigraphe où elle parle de la liberté. Il s’agit de deux prétentions différentes. L’une souligne la continuité du presque éternel du monde et l’autre souligne un nouveau commencement par soi-même, ce qui peut sembler contradictoires comme la thèse et l’antithèse de la troisième antinomie de Kant sur la causalité, mais en fait elles ne sont pas contradictoires.2 Aujourd’hui on ne peut pas nommer chaque exercice
1 Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, texte établie par Ursula Ludz, traduction de l’allemand et préface de Sylvie Courtine-Denamy, Paris : Editions du Seuil, 1995, p. 51.
2 La troisième antinomie de Kant est sur la causalité et elle est très importante parce que nous trouvons la possibilité de la morale : la thèse : « La causalité qui s’exerce d’après les lois de la nature n’est pas la seule d’où puissent être dérivés les phénomènes du monde considérés dans leur totalité. Il est encore nécessaire d’admettre en vue de leur explication une causalité par liberté » et l’antithèse : « Il n’y a pas de liberté, mais tout dans le monde arrive uniquement d’après les lois de la nature »…
La thèse affirme qu’il existe une causalité qui n’appartient pas à la causalité naturelle (mécanique). Si nous suivons la causalité mécanique jusqu’à l’infini, la causalité se contredit au point de vue de la causalité naturelle.
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de penser ou chaque génération des idées comme la philosophie, par contre, du point de vue hégélien, elle est une forme très spécifique de penser, c’est la raison principale qui engendre des discussions sur sa naissance et son origine.
La philosophie qui ne peut pas rester indifférent à la question de l’essence (τι), à savoir « qu’est-ce que », pose une problématique en mettant elle-même en question3. Cela convient à son caractère puisqu’elle prend place au deuxième degré comme pensée sur la pensée et sa définition ordinaire par l’explication de l’origine du mot grec « philosophie » a une valeur particulière, car elle a fini par s’imposer comme la même dénomination presque dans toutes les langues. Cette situation particulière d’être à l’origine ne fournit pas obligatoirement une valeur comme avoir sens profond au grec ancien. En outre, la naissance de la philosophie n’est pas une discussion liée à l’absence de sens ou être profonde. Une comparaison entre un texte de Platon et celui de son
Si la série n’est pas complète, l’effet ne se forme pas. Donc, il existe une causalité (la causalité libre) qui n’appartient pas à la causalité naturelle. L’antithèse affirme qu’il n’y a pas d’une causalité qui n’appartient pas à la causalité naturelle. S’il existe une cause qui n’est pas elle-même un effet (Dieu chez Spinoza), l’effet n’est pensé plus lié à la cause.
Enfin, les deux opposées sont valides. En dernière analyse, nous ne pouvons pas parler d’une contradiction, il y a une opposition des affirmations. Par « la distinction de tous les objets en général en phénomènes et noumènes », l’une côte (la thèse) est de la raison (noumènes) et l’autre côte est de l’entendement (phénomènes). La liberté n’est pas possible par l’appartenance à l’espace et au temps ; donc, la première solution : la possibilité de liberté existe parce que l’espace et le temps est la condition d’apparition des choses, la deuxième solution : les catégories (les conditions de penser) sont la condition de penser le noumenon donc nous ne pouvons pas le connaître, mais nous pouvons le penser. La causalité est différemment à la causalité naturelle c’est-à-dire qu’une cause qui n’est pas elle-même un effet. Si elle est un effet, la causalité naturelle se forme et alors ce sera ad infinitum. Elle n’appartient pas au domaine phénoménal. Cette conséquence nous fournit à la possibilité de la liberté en tant que la loi morale (catégorique impératif) parce qu’elle ne vient pas de l’intuition, sinon elle sera nécessaire. La causalité naturelle et la causalité libre, toutes les deux existent. Donc, la morale n’est pas impossible et la limitation de l’humain par le monde empirique est contre la possibilité de liberté.
3 « […] du sujet qui s’écrit : qui écrit sur lui, dont on écrit, qui est écrit […] la double valeur (au moins) qui affecte dans notre langue le mot « sujet »: du sujet de l’écriture. »
Philippe Lacoue-Labarthe, Le Sujet de La Philosophie, Typographies I, Paris : Flammarion, 1979, pp. 221-222.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 13.
contemporain penseur chinois du taoïsme montre qu’il y a une grande différence entre les deux affaires. Cette discussion est plutôt liée à être près ou loin d’où ce qui est nommé la philosophie prend sa naissance, cette distance est aussi bien historique que géographique. Les approches philosophiques radicalement différentes de la philosophie grecque et elles, qui y sont près géographiquement, s’insèrent dans l’histoire surtout après la latinisation de la philosophie grecque au moyen âge. Quoique tous les problèmes ne trouvent pas leurs origines où ce qui est nommé la philosophie prend sa naissance, commencer par la naissance de la philosophie nous donne la possibilité d’examiner l’origine d’un problème pour comprendre son développement. Ce développement ne doit pas être obligatoirement et strictement lié à la continuité de l’histoire parce que la transformation du problème pendant l’histoire peut avoir des ruptures ou quelquefois le problème peut être rétrospectivement déjà formé. Une rupture en tant que l’inauguration par elle-même d’une chaîne, pour le dire à la façon d’Arendt, ce pouvoir-commencer signifie aussi d’en finir avec la tradition. Si cette approche est radicalisée, nous pouvons arriver à dire « penser veut dire franchir »4 en établissant aussi une équation entre les deux. De toute façon, commencer par la naissance de la philosophie nous fait comprendre qu’un problème trouve son origine à la philosophie grecque. Sinon cela nous donne la possibilité d’examiner le développement d’un problème soutenu par une perspective historique même s’il ne trouve pas son origine dans la philosophie grecque. Il n’est pas possible d’ignorer la tradition même s’il faut dépasser les limites de celle-ci et même si c’est la tradition de rompre avec la tradition, qui est suivie ou confrontée. De plus la philosophie ne montre pas de l’indifférence à sa tradition propre, ceci est encore une fois adéquat à son caractère d’être au deuxième degré. La continuité de l’histoire aussi bien que sa rupture, ces deux propriétés sont ainsi rivées l’une à l’autre. Si nous exagérons un peu en restant liés strictement à la continuité de l’histoire par la confiance sur le miracle de la liberté consiste dans ce pouvoir-commencer, nous pouvons considérer toute l’histoire de la philosophie comme une interprétation d’une poésie. Nul doute que nous parlons du poème de Parménide en tant que la première œuvre de la philosophie, pour le dire de façon hégélienne, « le philosopher proprement dit »5. Nous
4 Ernst Bloch, Le Principe Espérance, Tome I, traduit de l’allemand par Françoise Wuilmart, Paris : Éditions Gallimard, 1976, p. 10.
5 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Leçons sur l’histoire de la philosophie, Tome I, Paris : Vrin, 1971, p. 128.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 14.
parlons d’un poème qui cause à la naissance d’une tradition arrivant au moins jusqu’à Hegel (au point de vue de la discussion sur la fin de la philosophie) qui avait fondamentalement son compte à régler avec l’ontologie parménidienne.
2. Le caractère de la philosophie comme « le négatif » en Grèce ancienne, particulièrement chez Platon.
La philosophie découvre sa question pour constituer sa base et elle commence à se former à partir de l’œuvre de Parménide, à savoir Sur la nature. C’est un poème à la base, il est plutôt une réponse qu’une question. La manière des approches présocratiques est unilatérale et ces textes peuvent être considérés comme une initiation par leurs caractères dogmatiques. Ils parlent de la sagesse et du savoir et ils sont écrits par les sages (σοφός), à la vérité, le peuple les nomme en tant que les sages. D’être sage est un statut de domination dans la Grèce ancienne et ce statut se reflet sur leurs textes fermés, intérieurs à la discussion ou à la critique c’est-à-dire qu’il faut les accepter tels qu’ils sont. Ces textes présocratiques donnent la possibilité d’interprétation aux prédécesseurs, malgré tout. Le poème de Parménide Sur la nature établit un lien strict entre la vérité et la justice (Δίκη). Il s’agit d’un voyage en char vers la vérité (ἀλήθεια) qui est considérée une déesse. Celui-ci arrive devant la porte qui s’ouvre sur les chemins du jour et de la nuit, c’est une porte infranchissable. La justice apparaît à ce moment comme ce qui a accès aux voies du jour et de la nuit. « De ces deux battants, la Justice, prodigue en maintes peines, détient les clés qui les ouvrent ».6 Nous pouvons interpréter cela de la façon suivante : les deux battants sont les non-êtres7 (nonétants)8 et l’être. Ces voies lui conduisent à penser (« car
6 Pierre Aubenque, Études sur Parménide, Tome I La Poème de Parménide, Texte, Traduction, Essai critique par Denis O’Brien en collaboration avec Jean Frère pour la traduction française, Paris: J. Vrin, 1987, p. 5.
7 La traduction de ces vers:
« οὐ γὰρ μήποτε τοῦτο δαμῇ, εἶναι μὴ ἐόντα:
ἀλλὰ σὺ τῆσδ᾽ ἀφ᾽ ὁδοῦ διζήμενος εἶργε νόημα »
“Jamais, en effet, cet énoncé ne sera dompte: des non-êtres sont.
Mais toi, détourne ta pensée de cette voie de recherche.”
Ibid., p. 32.
8 Jean Beaufret propose la traduction comme « nonétants » au lieu de non-êtres
« Point n’arriveras par aucun forçage à les niveler être et nonétants.
De ce chemin d’enquête écarte bien plutôt ta pensée »
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 15.
le même penser et être »9) et parce qu’ils vont vers la déesse de vérité. L’être, c’est ce qui est et l’être n’est pas une question, de plus il n’y a que l’être. La question de l’être n’est pas posée par Parménide et l’être est déjà établi, d’autre part Parménide limite pensé à l’être. Dépasser les limites de l’être ou le transformer, c’est interdit par Parménide : « Je ne permettrai pas que tu dises qu’il vient du non-être, ni que tu le penses ; voici en effet qui n’est pas dicible, qui n’est pas pensable non plus: «n’est pas. » »10
C’est le discours de sage c’est-à-dire le discours de l’autorité, pour le dire à la façon platonicienne : « notre père Parménide »11. Donc, passer la border infranchissable entre l’être et les non-êtres (nonétants) laquelle est constituée par Parménide signifie aussi une sorte de parricide. La philosophie découvre sa question et elle se libère du dogmatisme en critiquant ultérieurement les textes des présocratiques. Le poème de Parménide ainsi a un rôle important dans la naissance de la philosophie. À partir de Platon, les textes commencent à passer de la sagesse à la recherche, il n’y plus directement un reflet du statut de domination dans les textes, en effet, c’est possible trouver les ombres de celui, mais c’est oblique.
Le dialogue Sophiste (ou De l’Etre ; genre logique) contient une recherche sur l’être dans laquelle Platon essaie de faire face à la limitation de Parménide et en mettant du non-être dans l’être. Le dialogue s’ouvre par la présentation de Théodore et Théétète d’un étranger de l’école d’Élée. Celui-ci est le disciple de Parménide et la première référence au penseur se trouve dans la décision de la méthode de recherche. L’un de ce choix est une démonstration comme un discours long et l’autre est comme l’interrogation. La discussion sur le non-être se situe quand il se présente de la difficulté de sophiste dans une classe comme la copie (une forme de la technique de production d’images) ou comme l’illusion (une autre forme de cette technique). Elle contient une assertion en tant qu’une « chose apparaisse ou semble, sans cependant être, et que l’on
Jean Beaufret, Dialogue avec Heidegger, Tome I La Philosophie grecque, Paris : Les éditions de Minuit, 1973, p.65.
9 « τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι. »
Pierre Aubenque, Études Sur Parménide, pp. 87-90.
10 Ibid., p. 35.
11 Platon, Œuvres Complètes, sous la direction de Luc Brisson, Paris : Flammarion, 2011, 241d, p. 1841.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 16.
dise quelque chose, sans cependant dire la vérité », en tant que « dire ou penser le faux soit réel, sans être empêtré dans une contradiction quand on prononce cela» et en tant qu’avoir « l’audace de supposer que le non-être existe ».12 L’étranger cite les vers ci-suivant de Parménide qui proteste contre cette supposition : « Que ceci ne soit jamais imposé: qu’il y a des choses qui ne sont pas. Quand tu recherches, éloigne ta pensée de ce chemin ».13
La proposition que « le non-être, sous certaines conditions, à être, et l’être, à son tour, selon quelques modalités, à ne pas être »14 signifie une rupture avec la tradition. Ainsi, l’étranger nomme-t-il cette rupture comme « une sorte de parricide »15 en visant Parménide. L’étranger nous montre bien qu’il faut réfuter l’un de deux extrêmes et il indique qu’il craint qu’après un tel aveu, on le prenne pour un fou, en le voyant passer tout d’un coup d’un extrême à l’autre. Et il commence à critiquer Parménide comme suit : « c’est avec une certaine insouciance que s’adressèrent à nous non seulement Parménide, mais aussi tous ceux qui, à un moment donné, se sont lancés dans l’entreprise de définir le nombre et la constitution des êtres. » 16
L’étranger s’oppose à celui qui affirme qu’il n’y a qu’un être. Ce nom d’être, on l’applique à quelque chose et alors, c’est la même chose que l’un et on emploie deux noms pour désigner le même objet. Donc, reconnaître qu’il y a deux noms n’est pas valide après avoir posé qu’il n’y a que l’un. D’une part, il n’est pas aussi valide qu’un nom a quelque existence puisque cette proposition signifie de poser que le nom est autre que la chose, c’est dire qu’il y a deux choses. D’autre part, la proposition comme « le nom est identique à la chose » signifie que « le nom n’est nom que d’un nom, et de nulle autre chose » « et l’un, qui n’est unité que de l’un, serait lui aussi unité du nom. »17 L’étranger est au comble de la critique alors qu’il professe que le non-être n’énonce pas quelque chose de contraire à l’être, mais il est seulement énoncé quelque chose d’autre. L’exemple est assez clair : « Quand nous disons
12 Ibid., 236e-237a, p. 1835.
13 Ibid., 237a, p. 1836.
14 Ibid., 241d, p. 1841.
15 Ibid.
16 Ibid., 242c, p. 1842.
17 Ibid., 244d, p. 1845.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 17.
de quelque chose qu’elle est non grande, te semble-t-il que cette expression révèle plus le petit que l’égal ?».18 Il est clair que la négation ne signifie pas le contraire de la chose énoncée. « « Non » et le « ne pas » »19 placés devant les noms qui les suivent, indiquent quelque chose de différent de ces noms, ou, davantage, différent des choses en fonction desquelles . Finalement, l’étranger complète la critique de Parménide en citant ces vers suivants deuxième fois : « Que ceci ne soit jamais imposé : qu’il y a des choses qui ne sont pas. Eloigne ta pensée de ce chemin de recherche »20
L’étranger interprète ces vers de Parménide en tant que déclaration d’interdire un domaine de recherche. Ils n’admettent pas cette limite et ils démontrent que les non-êtres sont et ils font aussi voir en quoi consiste la forme du non-être. Il explique comme suit : « … une fois démontré que la nature de l’autre existe, et qu’elle se trouve divisée en partie dans tous les êtres lorsqu’ils ont des rapports mutuels, nous avons eu le courage de dire que le non-être est réellement ceci : la partie de la nature de l’autre qui est opposée à l’être de chaque chose. » 21
En dernière analyse, l’interprétation de Platon s’appuie sur cette proposition que le non-être n’existe pas chez Parménide. Est-ce que c’est évidemment valide ou est-ce que c’est possible de problématiser cette proposition ? Parménide de Platon ou Parménide lui-même, c’est possible de les problématiser rétrospectivement à cause des différentes traductions possibles des vers de Parménide.22 De toute façon, la
18 Ibid., 257b, p. 1861.
19 Ibid.
« τὸ μὴ καὶ τὸ οὒ »
Plato, Sophiste, Perseus Digital Library, 257b.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg007.perseus-grc1:257b
20 Ibid., 258d, p. 1863.
21 Ibid., 258d-258e
22 Notre inventaire des traductions possibles :
« 0 γὰρ μήποτε τοῦτο δαμῇ, φησίν, εἶναι μὴ ἐόντα:
ἀλλὰ σὺ τῆσδ᾽ ἀφ᾽ ὁδοῦ διζήμενος εἶργε νόημα. »
Plato, Sophiste, Perseus Digital Library, 237e.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg007.perseus-grc1:237a
(Plato. Platonis Opera, ed. John Burnet. Oxford University Press. 1903.)
« οὐ γὰρ μήποτε τοῦτο δαμῇ, εἶναι μὴ ἐόντα:
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 18.
tradition qui est nommée en tant que la philosophie commence par dépasser les limites de l’autorité. La naissance de la philosophie signifie ainsi la tradition de la rupture avec la tradition.
3. La justice et la division du travail dans la République de Platon.
La différence fondamentale entre le discours présocratique et le discours philosophique est le négatif plus précisément, la négation du sujet c’est-à-dire la négation du savoir de celui qui parle. La philosophie découvre la question sous la condition que le sujet qui parle ne sait rien et la recherche commence à cause de cela. Le négatif du discours présocratique suivi par la négation de la loi du père est cause de l’accès à la question qui signifie aussi la naissance de la philosophie. La philosophie s’inaugure ainsi en s’insurgeant contre le discours d’autorité par le pouvoir-commencer c’est-à-dire la capacité de commencer par soi-même. Même si nous acceptons que Platon soit
ἀλλὰ σὺ τῆσδ᾽ ἀφ᾽ ὁδοῦ διζήμενος εἶργε νόημα.»
Plato, Sophiste, Perseus Digital Library, 258d.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg007.perseus-grc1:258d
« Que ceci ne soit jamais imposé : qu’il y a des choses qui ne sont pas.
Quand tu recherches, éloigne ta pensée de ce chemin»
Platon, Œuvres Complètes…, 237a, p. 1836.
« Que ceci ne soit jamais imposé : qu’il y a des choses qui ne sont pas.
Eloigne ta pensée de ce chemin de recherche »
Platon, Œuvres Complètes…, 258d, p. 1863.
« On ne pourra jamais par la force prouver
Que le non-être a l’être. Écarte ta pensée
De cette fausse voie qui s’ouvre à ta recherche. »
Jean-Paul Dumont, Les écoles présocratiques, Édition établie avec la collaboration de Daniel Delattre et de Jean-Louis Poirier, Paris : Éditions Gallimard, 1991, p. 350.
« Jamais, en effet, cet énoncé ne sera dompte : des non-êtres sont.
Mais toi, détourne ta pensée de cette voie de recherche. »
Pierre Aubenque, Études Sur Parménide, p. 32.
« Jamais tu ne feras que ce qui n’est pas soit ;
Détourne donc ta pensée de cette voie de recherche ; »
Paul Tannery, Pour l’histoire de la science Hellène, de Thalès à Empédocle, Editeur Felix Alcan, Paris : Ancienne Librairie Germer Baillière et Cie , 1887, p. 244.
« Point n’arriveras par aucun forçage à les niveler être et nonétants.
De ce chemin d’enquête écarte bien plutôt ta pensée, »
Jean Beaufret, Dialogue avec Heidegger, p. 65.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 19.
tout à fait dans le vrai en mettant du non-être dans l’être, nous devons faire un retour au poème de Parménide à cause de la justice qui a pour fonction de contrôler l’accès à la vérité. Il faut disposer la question de la justice pour franchir la porte. La justice est le seul moyen pour avoir accès à la direction vers la vérité. Pour la pensée grecque, la justice est question de la vérité, la vérité assujettie l’éthique et la politique. Il faut avoir la connaissance de la vérité pour déterminer la justice. Ainsi, le traité de la justice est-il nécessaire pour former le concept de vérité qui est indispensable pour l’éthique et la politique. De Parménide à Platon, ce qui est mis en place, c’est le lien historique du traité de la justice. Le poème de Parménide décrit une relation entre la justice et la vérité, cette relation et celle entre la justice et l’idée du bien est comparable. Le fondement ontologique de la théorie des vertus est formé par Platon en les rapportant à l’idée du bien. L’idée du bien est considérée comme la mesure des vertus, elle est la norme des vertus. Cette mesure ne peut pas appartenir au monde sensible parce que ce qui vient du monde sensible ne peut pas être immuable et universel. Par conséquent, la mesure de la justice est l’idée du bien. Pour comprendre l’idée du bien, il faut traiter la question de la justice. Tout d’abord, la justice est définie comme une vertu selon Platon. Son œuvre La République contient les quatre vertus comme la sagesse (σοφία), la modération (σωφροσύνη), le courage (ἀνδρείας) et la justice (δικαιοσύνη). Elles sont fondées sur l’âme tripartie : la partie désirant, la partie rationnelle ; la partie ardente. La sagesse conduit la partie rationnelle de l’âme à commander ; la modération, conduit la partie ardente de l’âme à établir harmonie entre la raison et la passion, le courage conduit la partie désirant de l’âme à décider ce qui est à craindre et à ne pas craindre. Finalement, la justice subvient aux parties de l’âme pour qu’ils exercent leurs propres fonctions et pour l’harmonie entre eux. Autrement dit, la justice est que « ce fait de s’occuper de ses tâches propres ».23 Donc, nous pouvons réclamer que la justice soit différente des autres vertus. De plus, par sa fonction de régler, la justice est ce qui maintient l’accord entre les trois fonctions de l’État : la sagesse s’articule avec les gouvernants, la modération s’articule avec les artisans et les laboureurs ; le courage s’articule avec les guerriers.
23 Platon, Œuvres Complètes, La République ou Sur le juste; genre politique, sous la direction de Luc Brisson, Paris : Flammarion, 2011, 433b, p. 1596.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 20.
La politique de Platon est directement suivie par le discours de Socrate et il s’agit de ce qui devrait être ; non pas de ce qui est. Son discours sur la justice dans La République est lié directement à la division du travail. Ce qui devrait être est pris comme la cité parfaite par Socrate. La perfection est possible par exercice conformément à sa fonction. Toute chose a une fonction et toute fonction présume son bon fonctionnement de la fonction. La justice est soumise à ce principe qui ordonne à ce fait de s’occuper de ses tâches propres dans la cité c’est-à-dire que c’est ce qui devrait être dans la cité selon Platon. Le discours indirect forme aussi un circuit : l’injustice est «la calamité la plus grande à l’endroit de sa propre cité »24. La « dispersion dans une multiplicité de tâches au sein des trois classes de la cité, cette inversion des tâches les unes avec les autres, constituent donc le plus grand tort pour la cité »25. Ces trois classes se réfèrent au genre de trois fonctions de l’état (nous pouvons les nommer comme les artisans et les laboureurs, les guerriers, les gouvernants, ou l’homme d’affaires, celle du militaire auxiliaire, celle du gardien). Les trois classes de la cité peuvent être examinées comme trois genres par rapport au choix des membres de ces trois classes ; ce choix s’appuie sur les aptitudes naturelles ou les aptitudes de l’homme. L’injustice est définie comme une action hors de la limitation de la classe. Notamment, Platon ne nie pas complètement l’échange entre les métiers, en revanche il l’admet à l’intérieur de la classe. Selon l’approche platonicienne, un charpentier peut entreprendre « Un charpentier qui entreprend de faire le travail d’un cordonnier, ou un cordonnier qui entreprend de faire le travail d’un charpentier […] ou encore le même homme qui entreprend d’exercer ces deux métiers, »26 cela ne puisse pas nuire grandement à la cité et par définition cela n’est pas considéré comme injustice. En revanche, si l’échange des métiers se réalise entre les trois classes ou si un homme a plusieurs métiers appartenant à des classes différentes, cela signifierait l’injustice selon l’approche platonicienne. Celui qui viole le principe, de la justice, fait de l’injustice. Cette transition est évidemment valable. Les éléments d’une classe sont complètement clos et Platon n’accepte pas qu’il y ait un passage entre les éléments dans la cité de Platon. Malgré ce caractère clos, le texte rend justice à la diversité des métiers dans une classe. Dans la cité platonicienne, il peut y avoir plusieurs
24 Ibid., 434c, p. 1598.
25 Ibid., 434b-434c, p. 1598.
26 Ibid., 434a, pp. 1597-1598.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 21.
métiers à l’intérieur d’une classe ou on peut même échanger les métiers à l’intérieur d’une classe, ces deux particularités ne sont pas en soi l’injuste. Ce qui est le modèle et le principe de la justice, c’est un seul travail pour un homme. Préalablement, la justice dans la cité exige le même caractère chez l’individu. Alors, la justice chez l’individu est définie parallèlement à la justice dans la cité : la justice est ce qui établit harmonie des trois parties de l’âme et ce qui procure la propre fonction de chaque partie puisque l’autre qui « est juste, c’est parce qu’en elle chacun des trois groupes qui la composent s’occupe de ses tâches propres. »27 Cette réalisation du songe de l’œuvre en fondant la cité en tant que la conception de certains principe et modèle de la justice leur donne une image de la justice: «Il s’agissait donc là, Glaucon, d’une image de la justice, une image qui nous a soutenus, à la pensée que celui qui est par nature cordonnier a raison d’exercer sa tâche de cordonnier et nulle autre, et le charpentier de construire des charpentes, et ainsi d’autres tâches.»28 L’affirmation d’un seul travail pour un homme est faite par l’explication des «dons naturels».29 Socrate met l’accent sur qu’ils n’ont pas « posé la nature identique et la nature différente de manière absolue »30 L’exposition du principe est comme suivante : «un homme doué pour la médecine et un homme doué pour la construction en ont une différente»31, compte tenu de cet accent. La distinction de l’homme doué pour quoi que ce soit de celui qui ne l’est pas soit liée à la durée d’apprendre. L’éducation intervient dans cette discussion par la durée d’apprendre : « Un court apprentissage deviendrait très inventif dans le domaine de son expertise, alors que l’autre, même après avoir bénéficié d’un apprentissage étendu et d’une grande application ne pourrait retenir ce qu’il aurait appris »32. La seule justification pour un seul travail pour un homme dans cette œuvre est cette expression de Socrate : « nous avons institué la loi conformément à la nature »33. Donc, la justice dépend de la division du travail et de la spécialisation des fonctions. La cité sera juste parce que chaque classe s’occupe de ses tâches propres et ces tâches sont assignées à eux d’après les dons
27 Ibid., 441d, p. 1607.
28 Ibid., 443d, p. 1609.
29 Ibid., 455d, p. 1619.
30 Ibid., 454c, p. 1618.
31 Ibid., 454d.
32 Ibid., 455b.
33 Ibid., 456b, p. 1620.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 22.
naturels de chacun. Au préalable, cette seule justification du principe s’appuie sur ces dons naturels et Platon commence à l’expliquer de la façon suivante : « chacun de nous, au point de départ, ne s’est pas développé naturellement de manière tout à fait semblable, mais que la nature nous a différenciés, chacun s’adonnant à une activité différente. »34 Socrate a recours à l’analogie entre les hommes et les animaux ou les outils quand il doit poser οἰκειοπραγία35. Il utilise cette analogie quand il définit la justice comme la vertu propre à l’homme, quand il tente de préciser la nature des gardiens et la fonction propre de quelqu’un ou de quelque chose.
La partie sur la situation des femmes et des enfants dans la cité contient aussi un raisonnement sur les dispositions naturelles36 (φύσεως ἐπιτηδείας).37 Socrate propose que «la possession des épouses, les mariages et la procréation et ils sauront qu’il faut en ces choses agir le plus possible en conformité avec le proverbe qui veut qu’entre amis, tout est commun.»38 Les auditeurs insistent sur l’explication de cette proposition en demandant «quelle est donc cette communauté des enfants et des femmes destinée à nos gardiens»39. Socrate a encore une fois recours à l’analogie avec les chiens et il propose d’avoir « recours aux femmes pour les mêmes fonctions que les hommes »40 et de leur donner la même éducation. Mais l’approche que cette proposition viole le principe de la spécialisation est niée par Socrate. Socrate l’explique avec l’opposition entre « s’en tenir aux mots » « κατὰ τὸ ὄνομα »41 et
34 Ibid., 370b, p .1529.
35 Plato, Republic, Perseus Digital Library, 434c.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg030.perseus-grc4:4.434c
«ses propres activités »
Platon, Œuvres Complètes…, 434c, p. 1598.
36 Platon, Œuvres Complètes…, 374e, p. 1534.
37 Plato, Republic, Perseus Digital Library, 374e.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg030.perseus-grc1:2.374e
38 Platon, Œuvres Complètes…, 423e-424a, p. 1585.
39 Ibid., 450c, p. 1613.
40 Ibid., 451e, p.1615.
41 Plato, Republic, Perseus Digital Library, 454b.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg030.perseus-grc1:5.454b
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« diviser les espèces » « κατ᾽ εἴδη διαιρούμενοι »42. La différence et l’identité entre les natures ne sont pas divisées convenablement selon les espèces c’est-à-dire que la différence et l’identité n’existent pas au sens général (πάντως),43 mais ils peuvent exister sous un certain rapport. Pour la distinction convenable des différences et des identités naturelles entre les êtres humains, commencer par la division du genre (les hommes et les femmes) ne convient pas à la question sur les occupations. Socrate pose le problème suivant : « Nous sommes d’accord qu’une nature distincte doit se consacrer à quelque activité distincte, et nous reconnaissons que la nature de la femme est différente de la nature de l’homme. Et voilà qu’à présent nous affirmons que des natures distinctes doivent se consacrer aux mêmes occupations. »44 Socrate lui répond qu’ils n’admettent pas « pour autant que la femme diffère de l’homme quant à l’objet de notre discussion » et qu’il « n’y a donc pas, [..] d’occupation relative à l’administration de la cité qui appartienne à une femme parce qu’elle est une femme, ni à un homme parce qu’il est un homme, mais les dons naturels sont répartis de manière semblable dans les deux genres d’êtres vivants. La femme participe naturellement à toutes les occupations, l’homme de son côté participe à toutes également, mais dans toutes ces activités, la femme est un être plus faible que l’homme. »45 Socrate admet qu’ils n’examinent pas auparavant la distinction des natures à qui les fonctions différentes sont assignées et qu’ils n’examinèrent pas les natures mêmes des fonctions identiques. L’exposition de ce principe ne contient pas la question sur les natures absolument identiques ou différentes. Ils n’ont porté attention qu’à « l’espèce d’altérité et de similitude qui se rapporte à ces occupations ».46 La nature qui appartient au médecin et l’homme doué pour la médecine sont la même tandis qu’elle est différente entre une médecine et un charpentier. Socrate pose la différence fondamentale suivante : « quand tu disais justement que celui-ci était doué naturellement pour quelque chose, et que celui-là ne
42 Ibid., 454a.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg030.perseus-grc1:5.454a
43 Ibid., 454c.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg030.perseus-grc1:5.454c
44 Platon, Œuvres Complètes…, 453e, p. 1617.
45 Ibid., 455d-455e, p. 1619.
46 Ibid., 454d, p. 1618.
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l’était pas, voulais-tu dire par là que le premier apprenait cette chose avec facilité, et l’autre avec difficulté. »47
En bref, la justice comme condition de l’accès à la vérité est définie par le principe de la division du travail et ce principe est justifié par les dons naturels et elles sont expliquées par la différence de la capacité d’apprendre. La détermination de la différence et de l’identité se fait par la division (l’homme doué pour quoi que ce soit de celui qui ne l’est pas) qui se réalise par rapport à la question posée, et donc, cette division n’est pas un critère absolu : « Aucune division ne doit en conséquence être prise absolument, puisque les principes servant à diviser sont toujours choisis en fonction du problème à résoudre ».48
Sur ce point, la discussion s’oriente vers la réalisation de ce principe dans la cité. L’une des autres questions est ce que ce principe principal soit possible et désirable. Ce qui devrait être qu’un principe est non seulement possible, mais aussi désirable pour la cité. La réalisation du modèle ce qu’est la justice elle-même est une autre question de même importance. En dernière analyse, cette question est niée par l’impossibilité d’exécuter une chose telle qu’on la décrit. Autrement dit, l’exécution a moins de prise sur le vrai que le discours dans la nature des choses. Socrate se renferme dans la possibilité d’une cité organisée d’une manière très proche de celle qu’ils sont décrits.
47 Ibid., 454b. p. 1617.
48 L’explication de Monique Dixsaut: « Lorsqu’on oublie cette nécessaire médiation qui donne à la division sa fonction de réponse à une question posée, on en fait un procédé technique qui viendrait, chez le dernier Platon, se substituer au dialegesthai socratique. Or si on divise certes pour définir, on ne cherche à définir que ce qui a d’abord fait l’objet d’une question. La division n’est donc pas un simple procédé logique, elle est et restera toujours pour Platon une démarche dialectique, essentiellement liée au fait d’interroger (et de répondre). À omettre ce moment de l’interrogation, tout ce qu’on aura à opposer à antilogique, c’est une logique. » et « Ce que montrent à l’évidence les deux divisions différentes de la science que l’on trouve dans le sophiste et dans le Politique. Le sophiste s’attrapera dans la science de la production, non dans celle de l’acquisition, et le politique est le détenteur d’une science critique et prescriptive, non d’une science pratique. La première division, dont découlent toutes les suivantes, est en chaque cas entièrement relative à la question posée et imposée par elle. »
Monique Dixsaut, Métamorphoses de la dialectique dans les dialogues de Platon, Bibliothèque d’Histoire de la Philosophie, Paris: Vrin, 2001, pp. 67-68.
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La validité évidente de cette transition platonicienne de la détermination de ce qui devrait être, n’implique pas à une nécessité de l’affirmer. Ce projet de Platon par rapport à l’effort de déterminer ce qui devrait être en posant la différence entre ce qui est et ce qui devrait être est un projet si grand. Cette différence qui se pose comme une question est valide du point de vue de son historicité. Platon a écrit cette œuvre à un moment où une crise commence à se montrer dans la pensée et la vie grecque. La décadence d’Athènes peut être résumée par ces deux dimensions : l’une est la dimension politique. Les conflits violents entre les classes et la crise politique de la souveraineté montrent que les structures politiques athéniennes sont insuffisantes et les événements politiques comme la guerre ininterrompue de trente ans qui finit par la chute d’Athènes 404 av. J.-C. Ils ont aussi un grand effet sur cette décadence. L’autre est la dimension de la pensée grecque c’est-à-dire la corruption des valeurs traditionnelles dont les sophistes étaient en général considérés comme responsables. Il s’agit de l’immoralisme dans la vie quotidienne. 49 En conséquence, Platon écrit cette œuvre dans cette étape critique où il essaie de proposer une solution qui peut obtenir l’approbation des Grecs. C’est en traitant la justice, Platon compense cette décadence.
La construction d’un modèle politique est faite par le discours de ce qui devrait être. Selon Platon, la vérité est toujours la vérité des idées. Platon prend les idées en manière de la politique qui est un critérium pour le concept d’idée c’est-à-dire la politique se situe à la base de la doctrine des idées. Platon a eu une efficacité sur la discussion de la vérité pendant toute l’histoire de la philosophie. Cette politique qui se distingue par le discours de Socrate sur ce qui devrait être et il signifie autant la réalisation d’une cité organisée d’une manière très proche du modèle que la réalisation d’une cité juste. En dernière analyse, Platon indique que la cité idéale dans La République, c’est Athènes dans le début de son œuvre intitulée Timée. Dans la conclusion de La République laquelle contient le mythe d’Er le Pamphylien (l’exemple pour « ἀνάμνησις »), nous pouvons penser à l’argument contraire : une base temporelle de ce qui devrait être l’avenir. Une réponse de la décadence d’Athènes par le modèle d’une cité parfaite, possible et désirable contient bien une tension entre ce qui est et ce qui devrait être. C’est aussi une tension
49 Jacques Brunschwig, Geoffrey Lloyd, Pierre Pellegrin, Le Savoir Grec, édition revue et augmentée, Paris : Flammarion, 2011, p. 142.
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temporelle entre le présent et l’avenir. Le négatif se met encore une fois en évidence. La différence fondamentale entre le discours présocratique et le discours philosophique est le négatif que nous avons auparavant expliqué. De plus, le discours devient philosophique quand il procède avec le principe de la négation c’est-à-dire que la philosophie est une mise en œuvre d’une négation. Donc, de sa naissance à sa fin ou dans un monde où la philosophie préexistait et qui perdurera après lui, pour le dire de façon hégélienne, parce que c’est Hegel qui utilise cette expression « négatif » comme un ensemble en tant que tel, un concept qui a une unité en comportant la négation, l’opposition, le contraste, la contradiction, etc.50 Est-ce que c’est possible de trouver le négatif de l’approche de Platon à la division du travail ? L’histoire c’est-à-dire l’histoire de la philosophie nous permet de poser une autre approche comme le négatif de celle de Platon : c’est l’approche de Marx et Engels.
4. La critique de Hegel par Marx et la division du travail
Karl Marx poursuit sa critique entière de Hegel, en particulier dans l’œuvre l’Idéologie Allemande, qu’il l’a commencé par la critique des jeunes hégéliens dans le chapitre intitulé « Critique de la dialectique de Hegel et de sa philosophie en général » dans son œuvre Manuscrits de 1844.51 Selon Marx, les jeunes hégéliens critiquent un seul aspect du système hégélien et ils ne critiquent pas le système entier. Donc, leurs dépendances à Hegel continuent à cause de cela. Le chapitre nommé « L’idéologie en général et en particulier l’idéologie allemande » commence par cette proposition. Quoique les jeunes hégéliens combattent comme une usurpation la domination de la religion, des concepts et de l’Universel dans le monde existant et les vieux hégéliens l’affirment comme légitime, toutes les deux acceptent de croire à cette domination. « Les représentations, idées, concepts, en un mot les produits de la conscience, qu’ils ont eux-mêmes promue à l’autonomie »52 sont affirmés par le système hégélien. La proposition
50 Michael J. Inwood, A Hegel Dictionary, Blackwell Philosopher Dictionaries, Oxford: Blackwell Publishing Ltd., 1992, p. 199.
51 Karl Marx, Les manuscrits économico-philosophiques de 1844, Introduction, traduction et notes par Franck Fischbach, Paris : Librairie Philosophique J. Vrin, 2007, pp. 156-177.
52 Karl Marx, Friedrich Engels, L’idéologie Allemande, Présentée et annotée par Gilbert Badia, Traduction de Henri Auger, Gilbert Badia, Jean Baudrillard, Renée Cartelle, Paris: Éditions Sociales, 1968, p. 44.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 27.
d’un postulat moral par les jeunes hégéliens en tant que « troquer leur conscience actuelle contre la conscience humaine, critique ou égoïste, et ce faisant, abolir leurs limites. »53 Selon Marx, tout ce que les jeunes hégéliens proposent, par exemple la transformation de la conscience, est considéré uniquement comme une version de l’interprétation. De plus, Marx indique cette lutte en tant qu’un type de phraséologie, ils restent dans le discours et il signifie un conservatisme profond. Marx finit cette critique par l’expression suivante : Il n’est venu à l’idée d’aucun de ces philosophes de se demander quel était le lien entre la philosophie allemande et la réalité allemande, le lien entre leur critique et leur propre milieu matériel.54
Marx bien pose la différence entre son approche et celle des jeunes hégéliens en faisant leur critique. Conformément à la tradition de la philosophie, laquelle comporte toujours le négatif, il pose ses prémisses dont il part comme ceux qui ont les bases réelles et ces bases sont « vérifiables par voie purement empirique »55. Quant aux autres, il les accuse d’être dogmatiques, d’avoir des bases arbitraires. L’existence d’êtres humains vivants est la condition première de l’histoire humaine, bien plus il faut commencer toutes les études d’histoire par la complexion corporelle de ces individus et les rapports avec la nature à cause de celle c’est-à-dire que « toute histoire doit partir de ces bases naturelles et de leur modification par l’action des hommes au cours de l’histoire. »56 La conscience, la religion ou une autre chose peuvent distinguer l’homme de l’animal, mais quand les hommes commencent à produire leurs moyens d’existence, ils se distinguent eux-mêmes des animaux. La production de leurs moyens d’existence en tant qu’une conséquence de leur organisation corporelle signifie aussi la production de leur vie matérielle. Le mode de production de leurs moyens dépend de « la nature des moyens d’existence déjà donnés et qu’il leur faut reproduire »57. Ce mode de production est non seulement pour la reproduction de l’existence physique des individus, mais aussi lui-même un mode de l’activité de ces individus, bien plus c’est le mode de vie. « Ce qu’ils sont coïncide donc avec leur production, aussi bien avec ce qu’ils
53 Ibid.
54 Ibid.
55 Ibid., p. 45.
56 Ibid.
57 Ibid.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 28.
produisent qu’avec la façon dont ils le produisent. »58 L’accroissement de la population cause cette production et cet accroissement fourni à la relation entre les individus (Verkehr). Selon Marx et Engels, cette relation est un rapport de production à la base c’est-à-dire sa forme est conditionnée par la production tant d’un point de vue la macro que d’un point de vue le micro. À savoir, la relation internationale dépend aussi des forces productives, de la division du travail et des relations économiques intérieures.
L’on reconnaît de la façon la plus manifeste le degré de déve-loppement qu’ont atteint les forces productives d’une nation au degré de développement qu’a atteint la division du travail. Dans la mesure où elle n’est pas une simple extension quantitative des forces productives déjà connues jusqu’alors (défrichement de terres par exemple), toute force de production nouvelle a pour conséquence un nouveau perfectionnement de la division du tra-vail. 59
Marx commence à expliquer la division du travail à partir de l’intérieur à la nation dans son siècle : D’abord il s’agit d’une séparation du travail industriel et commercial et du travail agricole, cela signifie aussi une séparation de la ville et de la campagne à cause de leurs intérêts, ensuite par l’approfondissement de la division du travail, une séparation du travail industriel et du travail commercial se fait et par le même procès, la division du travail à l’intérieur des différentes branches se forme et par conséquent, la séparation arrive jusqu’aux individus. La position des individus et des groupes des individus relativement à l’un et l’autre « est conditionné par le mode d’exploitation du travail agricole, industriel et commercial (patriarcat, esclavage, ordres et classes) »60 dans ces subdivisions. En dernière analyse, la relation entre les individus est déterminée par la division du travail et ses états de développement représentent les formes de la propriété. À partir de ce point, Marx commence à examiner les formes de la propriété c’est-à-dire la division du travail dans l’histoire. D’abord, la propriété de la tribu (Stammeigentum) laquelle est considérée comme la propriété première, c’est l’élargissement de la division du travail dans la famille c’est-à-dire que la structure sociale est comme une grande famille,
58 Ibid., p. 46.
59 Ibid.
60 Ibid.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 29.
donc, cela veut dire que c’est la manifestation d’esclavage implicite dans la famille. Deuxièmement, Marx examine la propriété communale et la propriété d’État dans une seule ville antique laquelle se forme par la réunion des tribus. C’est l’état où la propriété privée se forme à la première fois dans l’histoire « mais comme une forme anormale et subordonnée à la propriété communale. Les citoyens exercent leur pouvoir sur leurs esclaves qui travaillent. »61 La division du travail est déjà approfondie et elle cause de la séparation de la ville et de la campagne, et ensuite cette séparation transforme une opposition entre les États « qui représente l’intérêt des villes et ceux qui représentent l’intérêt des campagnes. »62 Une autre conséquence de la division du travail est aussi le développement des relations de classe entre citoyens et esclaves. Elles sont les premières indications de la propriété privée laquelle se formera plus tard en sens moderne. La troisième recherche de Marx est sur la propriété féodale, la différence fondamentale par rapport à la précèdent est le point de partir. « L’antiquité partait de la ville et de son petit territoire, le moyen âge partait de la campagne. » 63 La raison de cette différence est la population clairsemée sur les grands territoires à cause des conquérants. Le fait des conquérants a un grand effet sur la forme de la propriété en moyen âge. L’opposition est entre les seigneurs féodaux et les serfs c’est-à-dire les petits groupes de paysans dans les campagnes. Sa réciproque est l’opposition entre le maître et l’apprenti dans les villes. La propriété corporative dépend du « travail personnel à l’aide d’un petit capital régissant le travail des compagnons »64 dans les villes et la propriété foncière dépende le travail des serfs dans la campagne, les deux se forment le caractère de la propriété pendant l’époque féodale. La réunion des grands territoires sous la souveraineté des règnes féodaux est non seulement une nécessité pour les villes, mais aussi les noblesses terriennes. Donc, l’organisation de la classe dominante symbolise la naissance du monarque. Quant à la division du travail dans cette époque, Marx l’explique comme suivant :
À l’apogée du féodalisme, la division du travail fut très peu pous-sée. Chaque pays portait en lui-même l’opposition ville-cam-pagne. La division en ordres était à vrai dire très fortement mar-
61 Ibid., p. 47.
62 Ibid.
63 Ibid., p. 48.
64 Ibid., p. 49.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 30.
quée, mais à part la séparation en princes régnants, noblesse, clergé et paysans à la campagne, et celle en maîtres, compagnons et apprentis, et bientôt aussi en une plèbe de journaliers, dans les villes, il n’y eut pas de division importante du travail. Dans l’agriculture, elle était rendue plus difficile par l’exploitation morcelée à côté de laquelle se développa l’industrie domestique des paysans eux-mêmes ; dans l’industrie, le travail n’était nul-lement divisé à l’intérieur de chaque métier et fort peu entre les différents métiers. La division entre le commerce et l’industrie existait déjà dans des villes anciennes, mais elle ne se développa que plus tard dans les villes neuves, lorsque les villes entrèrent en rapport les unes avec les autres. 65
Après avoir expliqué le développement historique de la division du travail, Marx fait le retour à l’analyse critique de la philosophie allemande c’est-à-dire la critique de Hegel et des jeunes hégéliens. Cette critique commence par souligner la condition matérielle. Marx compare son approche et celle de la philosophie allemande par le différenciant de négatif. Il a recours à une métaphore pour expliquer la philosophie allemande : elle descend du ciel sur la terre. En revanche, son approche commence à partir des hommes dans leur activité réelle c’est-à-dire selon Marx, c’est de la terre au ciel. Ceci n’est pas un refus des abstractions, c’est l’objection des abstractions détachées de l’histoire réelle. Premièrement, la production de la vie matérielle en tant qu’une action historique est une condition fondamentale de toute histoire. Deuxièmement, la satisfaction du premier besoin cause des nouveaux besoins et la première action historique est cette production de nouveaux besoins. Troisièmement, la reproduction des hommes par leurs mémés c’est-à-dire la famille est d’abord un seul rapport social. Ces trois moments coexistent pendant toute histoire. La production de la vie par le travail et la reproduction des hommes par leurs-mêmes, ces deux sont considérées comme un rapport double : un rapport naturel et un rapport social. Certains modes de production déterminée se forment par un mode de coopération et par un stade social déterminé. « Ce mode de coopération est lui-même une « force productive » et la masse des forces productives accessibles aux hommes détermine l’état social ».66 Il faut examiner l’histoire à partir du mode production et des individus conditionnés par les besoins c’est-à-dire que l’histoire des hommes lie toujours l’histoire de l’industrie et des échanges. Marx
65 Ibid., p. 59
66 Ibid., p. 58.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 31.
propose cette approche contre l’histoire « qu’il existe encore une quelconque absurdité politique ou religieuse qui réunisse les hommes par surcroît. »67 Par ce rapport double, Marx arrive de parler de quatre aspects des rapports historiques. Cette organisation physique signifie aussi l’implication de la conscience qui n’est pas considérée comme pure. L’esprit est entaché par la matière qui apparaît sous forme du langage. Elle est aussi vieille que la conscience et elle est formée par le besoin, à savoir par la nécessité d’être en rapport avec les autres hommes. « Le langage est la conscience réelle, pratique, existant aussi pour d’autres hommes, existant donc alors seulement pour moi-même aussi et, tout comme la conscience » 68 d’autre part, cette nécessité est le début de la conscience des hommes qui vivent dans une société. Ce début est « une simple conscience grégaire »69 et c’est un type d’instinct avec une seule différence qu’il est un instinct avec conscience dans ce stade. Elle développe par l’accroissement de population qui cause de l’accroissement de la production et l’augmentation des besoins. La division du travail est l’acte sexuel dans le début et ensuite elle devient une division du travail matériel et intellectuel « « par nature » en vertu des dispositions naturelles (vigueur corporelle par exemple), des besoins, des hasards, etc. »70 Marx propose que la division du travail trouve sa possibilité dans un conflit nécessaire entre ces trois moments suivants : la force productive, l’état social et la conscience. La division du travail cause de ci suivant : « La jouissance et le travail, la production et la consommation échoient en partage à des individus différents ; et alors la possibilité que ces éléments n’entrent pas en conflit réside uniquement dans le fait qu’on abolit à nouveau la division du travail. »71
Que ce soit la division naturelle du travail dans la famille ou la division sociale du travail basée sur la précédente, elle contient la répartition du travail et le partage des produits avec la « distribution inégale en vérité tant en quantité qu’en qualité »72. L’esclavage implicite dans la famille, à savoir les femmes et les enfants, ils sont les esclaves de l’homme, implique la première forme de la propriété à
67 Ibid., p. 59.
68 Ibid.
69 Ibid., p. 60.
70 Ibid.
71 Ibid., p. 61.
72 Ibid.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 32.
cause de « la libre disposition de la force de travail d’autrui »73 comme les économistes modernes la définissent. « Du reste, division du travail et propriété privée sont des expressions identiques — on énonce, dans la première, par rapport à l’activité ce qu’on énonce, dans la seconde, par rapport au produit de cette activité. »74 En outre, la division du travail comporte une contradiction entre l’intérêt de l’individu singulier et l’intérêt collectif de tous les individus, si la division ne se forme pas volontairement c’est-à-dire que si elle est divisée par la nature, « l’action propre de l’homme se transforme pour lui en puissance étrangère qui s’oppose à lui et l’asservit, au lieu qu’il ne la domine. »75 Marx et Engels l’expliquent et ils décrivent l’illustration célèbre sur la division du travail ci suivant :
En effet, dès l’instant où le travail commence à être réparti, cha-cun a une sphère d’activité exclusive et déterminée qui lui est im-posée et dont il ne peut sortir; il est chasseur, pêcheur ou berger ou critique critique, et il doit le demeurer s’il ne veut pas perdre ses moyens d’existence; tandis que dans la société communiste, où chacun n’a pas une sphère d’activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société réglemente la production générale ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l’après-midi, de pratiquer l’élevage le soir, de faire de la critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique.76
5. La différence radicale entre Platon et Marx sur la division du travail
La division du travail par laquelle la justice est définie chez Platon est transformée en son négatif en médiatisant la critique de Hegel par Marx. Marx prétend que l’être des hommes vivants est la première prémisse de l’histoire et toutes les recherches historiques doivent commencer à partir de l’activité des hommes. Donc, Marx défend l’existence positive contre la dialectique négative de Hegel. Par conséquent, l’approche marxiste ne contient pas la justice, si nous suivons strictement la tradition de la philosophie que nous avons
73 Ibid.
74 Ibid.
75 Ibid., p. 62.
76 Ibid., p. 63.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 33.
traitée auparavant. La conception marxiste de la division du travail est évidemment une violation du principe de la spécialisation, qui est à la base de la division du travail chez Platon. De plus, nous pouvons le considérer comme le négatif de celle de Platon. Ce qui nous permet les juxtaposer est l’effort commun de deux de déterminer à l’avenir en critiquant le présent (et l’histoire), à vrai dire, la base est qu’ils parlent de ce qui doit être (pas de ce qui est) pour mettre les deux à côté. Le traité sur la réalisation de ce projet de Platon pendant vingt-deux siècles et le traité sur la division naturelle en tant que le terme de Marx convient au concept de Platon, ce sont les deux sujets ouverts à la discussion. De toute manière, la conséquence qu’un homme peut avoir plusieurs activités nous permet de considérer comme le négatif de l’approche platonicienne à la division du travail. Donc, quoiqu’il y ait des entreprises pour approcher rétrospectivement les deux,77 il n’y a aucune possibilité pour affirmer en même temps Platon et Marx à l’égard de ce sujet. De telles entreprises ressemblent la discussion sur Parménide de Platon ou Parménide lui-même dont nous avons auparavant parlé cause d’être un effort rétrospectif, mais en sens complètement diffèrent. Sans entrer complètement dans une discussion sur l’historiographie, en rappelant notre point de départ, à savoir Arendt, d’une part nous pouvons examiner la division du travail dans l’histoire de la philosophie pour comprendre la tradition, d’autre part, la question de savoir si ces deux conceptions peuvent être considérées comme radicalement opposées peut nous pousser à trouver les traces d’une nouvelle approche de la division du travail. Cela nous donne une motivation fondamentale pour cette recherche.
77 Le « remake » de l’œuvre « La République » en modernisant cette œuvre de Platon (intitulé La République de Platon) par Alain Badiou est un exemple de ce type d’entreprise. Nous choisissons ce mot « remake » d’origine d’Anglaise pour la signification du verbe refaire et de la reprise. De plus, nous le choisissons par suite de sa signification « nouvelle version d’une œuvre littéraire ». Dans cette œuvre, Badiou applique un «travailleur polymorphe » au lieu de la citoyen de la cité Platonicienne par rapport à la division du travail.
Alain Badiou, La République de Platon, Dialogue en un prologue, seize chapitres et un épilogue, Paris : Librairie Arthème Fayard, 2012, p. 226.