Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 289.
Manuscrits de 1861-1863 est une préparation du texte du Capital dans lequel la partie sur le sujet de la division du travail peut être parallèlement étudiée. Comme nous le déclarons auparavant, Marx examine la coopération, la division du travail et la machinerie sous le titre de La Survaleur Relative dans les Manuscrits de 1861-1863 et il suit la même succession dans Le Capital. Dans le livre premier « Le Procès de production du capital », dans la quatrième section « La production de la survaleur », dans le douzième chapitre « Division du travail et manufacture », dans la cinquième sous-section intitulée, « Le caractère capitaliste de la manufacture », certain passages contiennent les références aux écrivains de l’Antiquité classique.28 On trouve presque même contenu en forme des notes à l’égard de ce sujet dans les Manuscrits de 1861-1863, contribution à la critique de l’économie politique (dans le troisième chapitre « Capital en général », dans la première section « Le Procès de production du capital », dans la troisième sous-section « La Survaleur Relative », dans le deuxième article intitulé « La division du travail »).29 Dans cette section de notre étude, nous suivrons fondamentalement Le Capital et s’il y a une addition, nous nous référerons aux Manuscrits de 1861-1863.
La première référence à un écrivain de l’Antiquité classique au sujet de la division du travail dans cette sous-section se situe après la phrase qui contient cette idée suivante : par suite de la séparation des branches sociales de production, les marchandises sont mieux produites, les diverses tendances et capacités de l’homme choisissent des sphères plus appropriées, et sans certaines limites, rien d’important ne peut être réalisé nulle part.30 Marx cite deux auteurs sur l’origine de la première partie de cette idée. La première est la phrase suivante de l’Odyssée,
28 Karl Marx, Le Capital…, pp. 404-415.
29 Karl Marx, Frederick Engels, Collected Works : Volume 30…, pp. 264-305.
30 « In Folge der Scheidung der gesellschaftlichen Produktionszweige werden die Waaren besser gemacht, die verschiednen Triebe und Talente der Menschen wählen sich entsprechende Wirkungssphären und ohne Beschränkung ist nirgendwo Bedeutendes zu leisten. »
Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 10 , Karl Marx: Das Kapital. Kritik der
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d’Homère : « car un autre homme éprouve aussi du plaisir à d’autres travaux »31. Dans la conversation d’Odysseus (Ulysse) avec Eumaios (Eumée)32, Odysseus, tout en parlant de son passé et des ennuis qui lui sont arrivés, dit qu’il est un homme courageux à la guerre, qu’il aime les choses liées à la guerre, mais qu’il n’aime pas le travail dans les champs, l’élevage des enfants et les travaux domestiques.33 Et il en arrive cette conclusion suivante : « Ainsi chaque homme se réjouit »34 des travaux différents (ἄλλος γάρ τ᾽ ἄλλοισιν ἀνὴρ ἐπιτέρπεται ἔργοις). La deuxième se trouve dans Contre les Moralistes ( Adversus Mathematicos XI) de Sextus Empiricus. Quand il discute si le bien et le mal, existent vraiment, il cite le vers suivant d’Archiloque35 : « Chacun fait son métier et y trouve son contentement »36 (ἄλλος ἄλλῳ ἐπ᾽ ἔργῳ καρδίην ἰαίνεται)37.
Marx accentue l’importance de limitation dans la deuxième partie de cette idée dans le commencement de cette section. Pour les références à l’Antiquité classique, il cite un vers d’un poème intitulé Margitès qui est attribué à Homère et le discours de Périclès que Thucydide l’écrit.
Dans les Manuscrits de 1861-1863, Marx mentionne que Dugald Stewart (1753-1828)38 cite des maximes de l’Antiquité classique
politischen Ökonomie. Erster Band, Hamburg 1890 (MEGA), Berlin : Dietz, 1991, pp. 329-330.
31 Karl Marx, Le Capital…, p. 411.
32 Homer, Iliad, Perseus Digital Library, XIV, 228.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0012.tlg001.perseus-grc1:14.193-14.241
33 « je n’avais aucun goût pour le travail des champs et les soins du ménage qui font les beaux enfants »
Homère, Iliade Odyssée…, Odyssée, XIV, 192-230, p. 741.
34 « Ainsi chaque homme se réjouit de choses différents. »
Leconte de Lisle, Odyssée, Paris : Alphonso Lemerre, 1877, p. 212.
35 Ce vers se trouvent dans Fragment 36 d’Archiloque (selon Theodor Bergk)
Sextus Empiricus, III, in three volumes, Against the Physicists -Against the Ethicists, éd. T. E. Page, E. Capps, W. H. Ὁ. Rouse, ,The Loeb Classical Library No : 311, London : Harvard University Press, 1936 , p. 406.
36 Marx l’écrit en grec, c’est la traduction française dans l’édition que nous utilisons dans cette étude.
Karl Marx, Le Capital…, p. 411.
37 Nous le traduisons comme suit : « Chaque homme incline au travail qui réjouit son cœur. »
38 Dugald Stewart est un philosophe et un mathématicien et l’une des figures les plus importantes de la fin des Lumières écossaises.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 291.
relatives à la division du travail au sein de la société. Juste avant la citation de Dugald Stewart, Marx résume l’idée principale d’Adam Smith comme suit : par le progrès de la société, les penchants divers des individus causent une variété dans leurs activités et leurs habitudes. Dans une telle circonstance, l’intérêt de tous est que chacun se confine à son occupation appropriée. De même que le développement des habitudes mécaniques qui sont liées à son occupation jusqu’au maximum de ses capacités, et l’échange du surplus du produit de son industrie contre les marchandises produites par le travail de ses voisins sont l’intérêt de tous. Ainsi, les mêmes causes, les métiers et les professions particuliers se multiplieront continuellement et se diviseront et se subdiviseront à mesure que la société progressera en richesse et en raffinement. Selon Stewart, l’observation que «A Jack of all trades is master of none » est une de ces maximes de bon sens que l’étude simple de la vie humaine impose à l’observateur le plus insouciant. Stewart prétend que toutes les langues ont un proverbe correspondant : après avoir noté la version en français comme « propre à tout, propre à rien » et en latin comme « Cuncta nihilque sumus » et « In omnibus aliquid, in toto nihil », Stewart cite un vers de Margitès d’Homère : πολλ᾽ ἠπίστατο ἔργα, κακῶς δ᾽ ἤἠπίστατο πάντα .39 Marx cite le proverbe en latin et celui-ci en se référant à Stewart dans les Manuscrits de 1861-186340. Mais dans Le Capital, Marx cite seulement en note en bas de page cette phrase en grec, sans une référence à Stewart, ni à Homère ni à Platon. Dans, l’Alcibiade mineur c’est-à-dire Second Alcibiade (Ἀλκιβιάδης δεύτερος) qui est un dialogue probablement apocryphe, mais attribué à Platon, ce vers d’Homère est cité deux fois. Dans ce dialogue, selon Socrate, une cité (πόλιν) ou une âme (ψυχὴν) qui a l’intention de vivre correctement (ὀρθῶς) doit suivre la science de ce qui vaut le mieux (τοῦ βελτίστου ἐπιστήμη), sans cette science, cela ne signifie rien à acquérir la maîtrise d’une foule de connaissances et de techniques (τὴν καλουμένην πολυμαθίαν τε καὶ πολυτεχνίαν κεκτημένος). Pour renfoncer cette idée, Socrate se réfère à un vers d’Homère, lequel Marx aussi cite : « certes il savait beaucoup de choses » « il les savait toutes mal »41 (πολλ᾽ ἠπίστατο
39 Plato, Alcibiades 2, Perseus Digital Library, 147b.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg014.perseus-grc1:147b
40 Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 3 , Karl Marx zur Kritik der Politischen Ökonomie (Manuskript 1861-1863), Text· Teil 1 (MEGA), Berlin : Dietz, 1976, p. 254.
41 Platon, Œuvres Complètes…, 147b, p. 56.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 292.
ἔργα, κακῶς δ᾽ ἤἠπίστατο πάντα.)42 Socrate le cite pour la deuxième fois afin de l’expliquer. Selon lui, Homère dit de Margitès qu’il savait beaucoup de choses (ἔργα), mais qu’il les savait toutes mal : mais c’est une énigme dans laquelle il utilise l’adverbe « mal » pour l’adjectif « mauvais », et la proposition « il savait » pour « savoir ».43 Cela signifie qu’il connaissait beaucoup de métiers (ἔργα), mais que c’était mauvais pour lui de les connaître tous. Alors, s’il était mauvais pour lui de savoir beaucoup de choses, c’était en fait « un homme de piètre valeur »44. « Il faut comprendre que « il les savait toutes mal » signifie « c’est en tout un mauvais savoir » ; en d’autres termes, « ce n’est pas vraiment un savoir ».45 Marx continue par la phrase suivante : « en tant que producteur de marchandises, l’Athénien se sentait supérieur au Spartiate » et il commence à l’expliquer par la référence au discours de Périclès. Le dialogue Second Alcibiade contient aussi une phrase comme celle-ci46 et une comparaison entre ces deux sur la prière, mais il nous semble que cela n’a rien à voir directement avec ce sujet. La manière de la prière des Lacédémoniens est le « propos respectueux »47, mais celle des Athéniens contient les « sacrifices les plus nombreux et les plus imposants »48, et des « processions les plus somptueuses et les plus solennelles »49. Dans ce dialogue, à part cette citation de Marx, il y a quelques parties qui peuvent être liées à ce sujet, que Marx ne les cite pas. Le premier50
42 Hesiod, The Homeric Hymns, and Homerica, trad. par. Hugh G. Evelyn-White, New York : The Macmillian Co., 1914, p. 536.
43 Platon, Œuvres Complètes…, 147d. pp. 56-57.
44 Ibid.
45 Ibid., p. 57.
46 « Bien plutôt nous aussi, Athéniens, c’est un langage imbécile que nous tenons en nous estimant supérieurs en ce domaine aux Lacédémoniens. »
Ibid., 149b, p. 59.
47 Ibid.
48 Ibid., 148e, p. 58.
49 Ibid.
50 οὐκοῦν τοὺς σκυτοτόμους καὶ τέκτονας καὶ ἀνδριαντοποιοὺς καὶ ἑτέρους παμπληθεῖς, οὓς τί δεῖ καθ᾽ ἕκαστα λέγειν; ἔχουσι δ᾽ οὖν διειληφότες δημιουργίας μέρη, καὶ πάντες οὗτοί εἰσι δημιουργοί, οὐ μέντοι εἰσὶ τέκτονές γε οὐδὲ σκυτοτόμοι οὐδ᾽ ἀνδριαντοποιοί, οἳ σύμπαντές εἰσι δημιουργοί.
Plato, Alcibiades 2, Perseus Digital Library, 140b-140c.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg014.perseus-grc1:140b
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg014.perseus-grc1:140c
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est comme suit : les cordonniers, les charpentiers, les sculpteurs et une foule d’autres, « ils ont, chacun, un métier particulier, et tous sont des gens de métier sans que pourtant ce soient tous des charpentiers, des cordonniers ou des sculpteurs, eux qui tous sans exception sont des gens de métier »51. Socrate continue son argumentation avec cette idée : les hommes sont aussi divisés, l’égard de l’imprudence par la même manière que la séparation des métiers. Donc, chacun a un métier particulier (δημιουργίας μέρη52) comme le cordonnier, le charpentier, le sculpteur, tous les autres et eux sans exception sont des gens de métier. Il est possible de dire qu’on peut trouver une sorte de division sociale du travail dans ces phrases de Platon. Et la deuxième vient après celui-ci et juste avant la citation que Marx fait : la question suivante de Socrate sur l’avantage d’un travail qu’un homme a une capacité de faire : « N’est-il pas vrai aussi que chaque fois que quelqu’un s’occupe d’affaires où il est ou croit être compétent, et que cela est couronné de succès, il en résulte un avantage et pour la cité et pour lui-même ?»53 Donc, ce travail est profitable à la fois à la cité et à lui-même. Il nous semble qu’il est possible de trouver l’origine de l’idée de l’harmonie entre l’intérêt personnel et l’intérêt public que nous avons auparavant mentionné quand nous étudions Adam Smith et la célèbre expression de la main invisible. Lorsqu’un homme n’a aucune intention quant à l’intérêt public, mais qu’il n’agit qu’en pensant à son propre gain, il protège aussi l’intérêt public sans être au courant. Et, Marx critique cette idée parfois dans plusieurs ouvrages, à commencer par les Manuscrits de 1844. Comme nous l’avons mentionné précédemment, selon Marx, dans la réalité, la société s’oppose toujours aux intérêts de l’ouvrier. Cette idée est contrairement celle de l’économiste selon lequel l’intérêt de l’ouvrier n’est jamais en conflit avec l’intérêt de la société.
51 Platon, Œuvres Complètes…, 140c. p. 49.
52 Le mot μέρη est le nom neutre et la troisième déclinaison du mot μερος qui signifie « partie ». Cette dernière est aussi l’étymon du nom μερισμός qui signifie « division ». l’étymon du nom δημιουργίας est le mot Ἔργω qui signifie « travailler ».
53 Platon, Œuvres Complètes…, 146c. p. 49.
οὐκοῦν κἂν μὲν πράττῃ ἅ τις οἶδεν ἢ δοκεῖ εἰδέναι, παρέπηται δὲ τὸ ὠφελίμως, καὶ λυσιτελούντως ἡμᾶς ἕξειν καὶ τῇ πόλει καὶ αὐτὸν αὑτῷ;
Plato, Alcibiades 2, Perseus Digital Library, 146b-146c.
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg014.perseus-grc1:146b
http://data.perseus.org/citations/urn:cts:greekLit:tlg0059.tlg014.perseus-grc1:146c
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 294.
Revenant au texte de Marx, nous avons affirmé dernièrement qu’il commence par la supériorité que l’Athénien éprouve par rapport à un Spartiate parce que celui qui est les producteurs de marchandises ; parce que ce dernier peut disposer d’hommes en temps de guerre. Mais il n’a pas d’argent, c’est pourquoi Périclès parle de l’argent dans son discours pour motiver les Athéniens à la guerre du Péloponnèse : « ceux qui produisent pour eux-mêmes sont davantage prêts à faire la guerre avec leurs corps qu’avec de l’argent. »54 Selon Marx, néanmoins, leur idéal reste, même dans la production matérielle, l’autarcie (αυτάρκεια), qui s’oppose à la division du travail. Dans les Manuscrits de 1861-1863, il y a plus d’explications que Le Capital, à l’égard de ce sujet comme suite : Thucydide présente Périclès comme ce qui considère les agriculteurs spartiates comme l’opposé des Athéniens. Parmi les spartiates, la consommation n’est pas médiatisée par l’échange de marchandises, et donc aucune division du travail ne se réalise non plus. Et il décrit la cité de Spartiate comme une autarcie (αυτάρκεια), parce que les Spartiates travaillent non pour le gain, mais pour la subsistance. Et, dans les Manuscrits de 1861-1863, il y a aussi une autre citation de Thucydide sur ce sujet, mais Marx l’ajoute à Le Capital dans la partie où il examine la division du travail chez Platon : mais la navigation demande de l’habileté (τὸ δὲ ναυτικὸν τέχνης ἐστίν), autant qu’autre chose (ὥσπερ καὶ ἄλλο τι) , et ça ne peut tout simplement pas être pratiqué comme activité accessoire en cas de survenance (καὶ οὐκ ἐνδέχεται, ὅταν τύχῃ, ἐκ παρέργου μελετᾶσθαι), au contraire, rien d’autre ne peut être exercé comme activité secondaire (ἀλλὰ μᾶλλον μηδὲν ἐκείνῳ πάρεργον ἄλλο γίγνεσθαι).55
54 Karl Marx, Le Capital…, p. 411.
σώμασί τε ἑτοιμότεροι οἱ αὐτουργοὶ τῶν ἀνθρώπων ἢ χρήμασι πολεμεῖν,
Thucydides, Book I, éd. Charles D. Morris, Boston: Ginn&Company, 1887, 1.141.5, p. 294.
55 Nous conservons cette forme de Marx dans cette citation :
τὸ δὲ ναυτικὸν τέχνης ἐστίν, (das Seewesen aber erheischt Kunstfertigkeit), ὥσπερ καὶ ἄλλο τι, (so sehr wie irgend etwas andres), καὶ οὐκ ἐνδέχεται, ὅταν τύχῃ, ἐκ παρέργου μελετᾶσθαι (und es kann nur nicht bei etwa vorkommenden Fällen als Nebenwerk ausgeübt werden), ἀλλὰ μᾶλλον μηδὲν ἐκείνῳ πάρεργον ἄλλο γίγνεσθαι. (sondern vielmehr kann nichts andres bei jenem als Nebenbeschäftigung betrieben werden.)
Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 3…, p. 255.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 295.
Il existe une autre citation en grec sur le sujet de l’autarcie, qui se trouve dans la version allemande originale du Capital mais pas dans la traduction française que nous suivons.56 Il ne se trouve pas aussi dans les Manuscrits de 1861-1863. Il n’y a aucune référence à une quelconque source de cette citation dans le texte original. Cette citation est la suivante : « παρ’ ών γαρ το ευ, παρά τούτων και το αϋταρκες »57 et cela signifie que « les sources du bien sont aussi les sources de l’autosuffisance ». Marx a recourt probablement à cette citation de l’œuvre de James Harris (1709-1780) intitulé Three Treatises. Marx se réfère à cet auteur plusieurs fois dans ses œuvres.58 En fait, nous pouvons prétendre que Marx a été influencé par la sous-section sur la division du travail dans l’œuvre intitulée Lectures on Political Economy de Dugald Stewart. Stewart mentionne que selon Adam Smith, le progrès des arts dépend en grande partie de cette séparation, de la division et de la subdivision du travail et des occupations. Les pouvoirs effectifs de travail sont généralement proportionnels au degré auquel elles sont divisées et distribuées. Et il ajoute que la même idée est adoptée, avant l’époque d’Adam Smith, par divers écrivains modernes ; en particulier par James Harris dans son œuvre Three Treatises (le troisième traité intitulé : Concercing Happiness, a dialogue) en 1741 ; et par Adam Ferguson dans son œuvre An Essay on The History of Civil Society en 1789. En fait, ce sujet a été très fortement exprimé par les autres auteurs antérieurs ; en particulier Sir William Petty et Bernard de Mandeville. Ce sujet n’échappe pas à l’attention des anciens, par exemple, le texte de la Cyropédie de Xénophon, dans lequel il compare la répartition des tâches dans la cuisine de Cyrus à la division des métiers dans une grande ville. Marx considère cette détermination de Stewart comme une critique implicite et subtile d’Adam Smith qui ne se réfère presque à aucun texte dans l’histoire de la philosophie. Marx étend même sa
56 La traduction française, que nous suivons, se réfère à la quatrième édition allemande (1890) du Capital. Cette citation existe dans la version originale, mais pas dans la traduction.
57 Procli Diadochi, Olympiodori, In Platonis Alcibiadem Commentarii, éd. Fridericus Creuzer, Frankfurt-am-Main : Broenneriana, 1820, p. 104.
58 Harris traduit ce texte de Proclus en anglais comme suit : « The universal and unperverted idea of man characterizes happiness by self- sufficiency : for with whomever well-being exists, with them the self-sufficient exists also. »
Harris James and James Harris Malmesbury, The Works of James Harris Esq., Oxford : J. Vincent for T. Tegg,1841.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 296.
critique à ce sujet59 dans la mesure où « Adam Smith n’a pas formulé une seule proposition nouvelle sur la division du travail ».60
Marx continue à mentionner les écrivains de l’Antiquité classique, surtout Xénophon et Platon. Mais avant cela, il évalue le caractère général de ces écrivains. Selon Marx, en dernière analyse, ils soutiennent une idée que le produit et le producteur sont améliorés par la division du travail. La croissance de la quantité produite est parfois évoquée par ces écrivains, ce n’est qu’en référence à la plus grande abondance des valeurs d’usage. Il n’y a pas un seul mot faisant allusion à la valeur d’échange ou à la diminution du prix des marchandises dans leurs œuvres. Selon Marx, Xénophon, avec « son instinct bourgeois caractéristique »61, se rapproche plus que Platon de la division du travail au sein de l’atelier.
Cet aspect, du seul point de vue de la valeur d’usage, est assumée aussi bien par Platon, qui fait de la division du travail le fondement sur lequel repose la division de la société en classes, que par Xénophon, qui, avec l’instinct bourgeois caractéristique, se rapproche plus de la division du travail au sein de l’atelier. Comme Stewart, Marx cite aussi complètement une partie du texte de Cyropédie de Xénophon sur la répartition des tâches dans la cuisine du roi de Perse nommé Cyrus.62
59 Certains auteurs plus anciens, comme Petty, ou comme l’auteur anonyme de Advantages of the East-India Trade, établissent avec plus de netteté qu’A. Smith le caractère capitaliste de la division manufacturière travail.
Karl Marx, Le Capital…, p. 411.
60 Ibid., p. 392.
61 Ibid., pp. 412 -413.
62 La citation de Marx comme suit : « Et cela n’a rien d’étonnant, car de même que les autres arts sont particulièrement perfectionnés dans les grandes villes, les mets royaux y sont aussi préparés de façon particulière. Dans les petites villes, c’est le même homme qui fabrique les lits, les portes, les charrues et les tables ; souvent aussi il construit, en plus du reste, des maisons, et il est satisfait quand il trouve ainsi lui-même une clientèle suffisante pour vivre. Il est totalement impossible qu’un homme, qui fait tant de choses, les fasse toutes bien. Dans les grandes villes, au contraire, où chaque individu trouve beaucoup d’acheteurs, un seul artisanat suffit pour nourrir son homme. Souvent même il n’est pas indispensable d’exercer tout un métier ; l’un fait, par exemple, des chaussures d’hommes, l’autre des chaussures de femmes. L’un se contente simplement de coudre, l’autre de tailler le cuir des chaussures ; l’un ne fuit que couper le tissu des vêtements, l’autre assemble les morceaux. Il est désormais nécessaire que celui qui fait
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 297.
Il cite en grec en le traduisant en allemande dans les Manuscrits de 1861-186363 et il le donne en allemande comme une note en bas de page dans Le Capital64. La seule interprétation que Le Capital contient est comme suite : « La qualité de la valeur d’usage à atteindre est fixée ici exclusivement bien que Xénophon sache déjà que le niveau de la division du travail dépend de l’ampleur du marché. »65 Mais dans les Manuscrits de 1861-1863, Marx prétend qu’il rappelle la morale bourgeoise et l’économie politique bourgeoise à la suite de l’instinct bourgeois qu’il a vu chez Xénophon. Cependant, pour la même raison, il a pu examiner la division du travail de plus en détail que Platon, parce qu’elle a lieu dans l’atelier individuel aussi bien qu’à grande échelle. Marx trouve deux points importants sur la division du travail chez Xénophon : le premier est qu’il manifeste la dépendance de la division du travail à l’étendue du marché, le deuxième est qu’il insiste sur la réduction du travail au travail simple provoquée par la division du travail, et sur la compétence qui peut être plus facilement acquise sous ce système. Quoiqu’il soit par conséquent beaucoup plus proche de la conception moderne, il conserve l’approche caractéristique des anciens : il ne s’intéresse qu’à la valeur en usage, à l’amélioration de la qualité. Donc, Xénophon parle d’une quantité accrue de valeurs d’usage, non de l’effet de la division du travail sur le produit en tant que marchandise.
Quant à Platon, selon Marx, Platon « traite la division du travail comme fondement de la séparation des différents états au sein de la société »66. Selon lui, Platon explique la division du travail dans la société (c’est-à-dire dans la cité) avec la multiplicité des besoins des individus et les limites de leurs capacités. L’approche fondamentale de Platon dépend de l’idée que « le travailleur doit se conformer au travail et non l’inverse »67. S’il s’effectue plusieurs travaux, il est inévitable
le travail le plus simple le fasse aussi le mieux. Il en va de même dans l’art culinaire. »
Ibid.
63 Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 3…, pp. 255-256.
64 Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 10…, pp. 330-331.
65 Karl Marx, Le Capital…, p. 413.
66 Ibid., p. 412.
67 Ibid.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 298.
que le travail soit adapté au travailleur. Platon en explique la raison comme nous l’avons auparavant mentionné dans la sous-section « Le thème de La République » de notre étude : pour ne pas gâcher le travail, il faut l’exercer à l’occasion propice parce que le travail n’attend pas le loisir de celui qui doit l’exécuter, mais celui-ci doit nécessairement porter une attention particulière à son travail plutôt que de le traiter comme une occupation secondaire. « Le résultat est que des biens seront produits en plus grande quantité, qu’ils seront de meilleure qualité et produits plus facilement, si chacun ne s’occupe que d’une chose selon ses dispositions naturelles et au moment opportun, et qu’il lui soit loisible de ne pas s’occuper des travaux des autres. » 68 Marx accentue « le bon moment pour le travail »69 en citant le mot de Platon « ἔργου καιρόν, διόλλυται». Il se trouve dans cette phrase « ὡς, ἐάν τίς τινος παρῇ ἔργου καιρόν, διόλλυται », cela signifie que « si quelqu’un laisse passer l’occasion propice de s’effectuer un travail, le travail est gâché ».70 Et Marx le ramène à son époque en trouvant « la même idée platonicienne, dans la révolte des blanchisseurs anglais contre la clause de la Loi sur les fabriques qui fixe une heure de repas précise pour tous les travailleurs. Leur activité ne pouvait pas être réglée en fonction des travailleurs »71 parce que les parties différentes d’un travail ne peuvent être interrompues à un moment sans risquer d’en perturber la succession. La fixation de la même heure de repas précise pour tous les ouvriers peut parfois mettre en danger certains matériaux précieux parce que le processus de travail est incomplet. Marx manifeste sa réaction en français « Le platonisme où va-t-il se nicher ».72 La première raison pour laquelle Marx accentue le mot « ἔργου καιρόν » est sa pensée que l’idée principale de Platon est fondée sur celui, et une autre raison est qu’il est une référence au temps de travail sur lequel Marx fonde sa théorie de survaleur. Mais Marx précise que cette référence de Platon est liée à la qualité et la valeur d’usage, non la marchandise et la valeur de l’échange, comme tous les anciens.
Dans les Manuscrits de 1861-1863, Marx examine Platon d’une façon plus détaillé en se concentrant sur le deuxième livre de La
68 Platon, Œuvres Complètes…, 370c, p. 1529.
69 Karl Marx, Le Capital…, p. 413.
70 Platon, Œuvres Complètes…, 370b, p. 1529.
71 Karl Marx, Le Capital…, p. 412.
72 Ibid.,
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 299.
République : Selon Marx, Platon commence par l’origine de la «πόλις», à savoir la cité. La cité et l’État coïncident là. Les besoins les plus immédiats sont énumérés : la nourriture, le logement, les vêtements. Comment la cité doit-elle répondre à ces différents besoins ? L’un devient laboureur, l’autre un maçon, les autres deviennent tisserands, cordonniers, etc. Faut-il que chacun partage son temps de travail, cultivant la terre dans une partie, construisant dans la seconde, tissant dans la troisième, etc. afin de satisfaire lui-même ses besoins différents, doit-il consacrer tout le temps de travail exclusivement à une seule occupation, de sorte qu’il produise, par exemple, du blé, des tissages, etc., non seulement pour lui-même, mais aussi pour les autres ? Le deuxième plan est meilleur parce que les hommes sont différents selon leurs dispositions naturelles qui signifient leur capacité à accomplir de différents types de travail. Les différents besoins se conforment aux aptitudes différentes, et cela permet aux individus d’accomplir les différentes sortes de travaux nécessaires à la satisfaction de ces besoins. Quelqu’un qu’il s’exerce une seule fonction accomplira mieux sa tâche que celui qui en exerce plusieurs. Si un travail s’effectue subsidiairement, on laissera souvent passer le temps approprié pour la production. Le travail ne peut attendre le loisir de celui qui doit l’accomplir ; il faut plutôt que celui qui effectue le travail soit dirigé par les conditions de sa production, etc. Il ne doit donc pas se l’effectuer secondaire. Donc si une personne s’occupe exclusivement d’un genre particulier de travail (conformément à la nature de la chose, et au bon moment) et ne s’occupe pas d’un autre travail, tout sera produit en plus grande quantité, mieux et plus facilement.
Selon Marx, Platon accentue toujours « la qualité ». Quand il s’agit de la production, le mot πλείω n’apparaît que dans la partie que nous avons auparavant citée à l’égard du sujet de bon moment pour le travail (ἔργου καιρόν), sinon Platon toujours accentue le mot κάλλιον, quand il s’agit de la production. Marx parle de la différence entre les mots « plus » et « meilleur » parce qu’il s’efforce de légitimer le fait qu’il n’y ait pas un mot faisant allusion à la valeur d’échange ou à la diminution du prix des marchandises dans ce contexte dans l’antiquité. Platon continue à montrer comment une nouvelle division du travail ou la formation de différentes branches d’activité devient nécessaire. Après avoir examiné la différence entre les marchands et les commerçants, Platon mentionne les salariés (μισθωτός) qui effectuent les travaux pénibles contre un salaire nécessitant la force physique,
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 300.
mais non la qualité intellectuelle. Selon Marx, les travailleurs salariés sont également mentionnés par Platon, comme un type particulier qui doit son existence à la division du travail.
Après avoir indiqué un grand nombre d’occupations différentes rendues nécessaires par la subtilité ultérieure de la vie de cette cité, il en vient à la séparation des métiers de guerre des autres métiers, et donc à la formation d’une sphère spéciale pour les guerriers.
Les activités différentes sont nécessaires pour satisfaire les divers besoins de la cité. Les dispositions différentes permettent à des personnes de natures différentes d’exercer une activité mieux qu’une autre. Donc, il existe la division du travail et les différents états sociaux qui sont eux adéquats. Ce que Platon souligne toujours comme le point principal du système, c’est qu’il permet à chaque travail d’être mieux fait. Chez Platon, la division du travail est manifestée comme le fondement économique d’une cité dans laquelle chaque citoyen est dépendant des autres, et ne satisfait pas lui-même l’ensemble de ses besoins, de manière indépendante, sans aucun lien avec les autres. La division du travail au sein de la société se développe à partir de la multiplicité des besoins et de l’unilatéralité des dispositions qui diffèrent selon les personnes, qui réussissent donc mieux dans un travail que dans une autre. L’essentiel chez Platon, c’est que si quelqu’un effectue un seul travail, il le fait mieux, et il adapte complètement son activité aux exigences, aux conditions, du travail qu’il a à accomplir. Alors que s’il l’effectue subsidiairement, le travail doit attendre l’occasion propice que lui laisse son implication dans d’autres affaires. Donc, « la τέχνη ne peut pas être exercée comme un πάρεργον, une occupation subsidiaire. »73
En somme, selon Marx, la valeur d’usage et la qualité sont pour Platon, comme pour tous les autres écrivains de l’Antiquité, le point décisif et la manière exclusive d’évaluer les faits. Pour le reste, la base de toute leur conception sur ce sujet est une sorte d’idéalisation athénienne du système égyptien des castes. De même La République de Platon, dans la mesure où la division du travail est développée comme le principe fondamental de l’État (c’est-à-dire de la cité), n’est qu’une
73 « Dieser Gesichtspunkt, daß die τέχνη nicht als πάρεργον, Nebenwerk betrieben werden kann, »
Karl Marx, Friedrich Engels, Gesamtausgabe : Zweite Abteilung „Das Kapital“ und Vorarbeiten Band 3…, p. 259.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 301.
idéalisation athénienne du système des castes égyptien, tout comme l’Égypte est considérée comme un pays modèle industriel par d’autres de ses contemporains. Les auteurs de l’Antiquité attribuent en général le développement industriel des Égyptiens à la division héréditaire du travail et au système des castes qui est son fondement. Cette idée sur l’Égypte pour les Grecs s’est également poursuivie pendant l’Empire romain. Marx conclut ce sujet dans Le Capital par une citation d’Isocrate74 (elle ne se trouve pas dans les Manuscrits de 1861-1883), d’une citation de Diodore de Sicile75 dans les Manuscrits de 1861-1883.
Nous avons noté que Marx a trouvé la principale différence entre la division moderne du travail et l’ancienne division du travail dans
74 « Il » (Busiris) « divisa tous les citoyens en castes particulières, et ordonna q u e chacune n’exerçât jamais que les mêmes travaux parce qu’il savait que ceux qui changent d’activités ne peuvent en exercer aucune sérieusement et à fond et que ceux, par contre, qui se consacrent constamment aux mêmes activités, accomplissent chacune de la façon la plus parfaite. Nous verrons également que pour ce qui est de l’art et de l’industrie, les Egyptiens ont surpassé autant leurs rivaux que le maître surpasse le gâcheur de besogne ; quant à leurs institutions, qui maintiennent la souveraineté royale et la constitution de leur État, elles sont tellement parfaites que les philosophes les plus célèbres, qui ont entrepris d’en parler, ont toujours placé la Constitution de l’État égyptien au-dessus de toutes les autres. »
Karl Marx, Le Capital…, p. 413.
…διελόμενος χωρίς έκαστους τούς μεν επί τάς ίερωσύνας κατέστησε, τους δ’ επί τάς τεχνας ετρεψε, τούς δε τά περί τον πόλεμον μελετάν ηνάγκασεν, ηγούμενος τά μεν αναγκαία καί τάς περιουσίας εκ τε της χώρας και των τεχνών δεΐν ύπάρχειν, τούτων δ’ είναι φυλακήν άσφαλεστάτην την τε περί τόν πόλεμον επιμέλειαν βαμβαμ και την προς τούς θεούς ευσέβειαν, άπαντας δε τούς αριθμούς περιλαβών έζ ών άριστ’ αν τις τά κοινά διοικήσειεν, άει τοΐς αύτοΐς τάς αύτας
πράξεις μεταχειρίζεσθαι προσέταξεν, ειδως τούς μεν μεταβαλλόμενους τάζ εργασίας ουδέ προς εν των έργων ακριβώς έχοντας, τούς δ’ επι ταΐς αυταις πράξεσι συνεχώς διαμενοντας εις υπερβολήν εκαστον άποτελοΰντας. τοιγαροΰν και προς τας τεχνας εύρήσομεν αυτούς πλέον διαφεροντας τών περί τας αύτάς έπιστήμας ή τούς άλλους δημιουργούς τών ιδιωτών, και προς την σύνταξιν δι’ ης την τε βασιλείαν και την άλλην πολιτείαν διαφυλαττουσιν, ούτω καλώς έχοντας ώστε και τών φιλοσόφων τούς ύπερ τών τοιούτων λεγειν επιχειροΰντας και μάλιστ’ εύδοκιμοΰντας την εν Αιγύπτω προαιρεΐσθαι πολιτείαν,
Isocrates, Isocrates in three volumes III, trad. par. Larue Van Hook, London: Harvard University Press, 1945.
75 Marx se réfère déjà au même texte de Diodore de Sicile où il explique la naissance des castes et des corporations liées à la division sociale du travail dans Le Capital et nous l’avons cité au début de la conclusion.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 302.
leur accentuation sur la valeur d’usage et la qualité. Marx l’exprime en d’autres termes sur la conception de la division du travail de Sir William Petty. Selon Marx, ce qui distingue la conception de la division du travail de Sir William Petty de celle de l’Antiquité classique est sa compréhension des effets de la division du travail sur la valeur d’échange du produit, sur le produit en tant que marchandise, sur sa dévalorisation. Le même point de vue se trouve dans l’œuvre Considerations upon the East India Trade,76 qui est attribuée à Henry Martin, comme la réduction du temps de travail nécessaire à la production d’une marchandise. Ce qui est important, c’est de produire chaque marchandise avec le moins de travail et le plus facile. Si une chose est fabriquée avec moins de travail, elle est faite conséquemment avec le travail de moindre prix. Enfin, la marchandise est dépréciée, et alors la concurrence forme une loi universelle pour réduire le temps de travail au minimum nécessaire à sa production.
Selon Marx, la discussion de Platon dans La République constitue le fondement et le point de départ d’un groupe d’écrivains anglais qui écrivent sur la division du travail après Petty et avant Adam Smith. Par exemple, James Harris qui présente la division des emplois comme le fondement naturel de la société. Il dit lui-même dans une note en bas de page que Harris a emprunté tout son argument à Platon.77 Selon Marx, les écrivains ultérieurs tels que Harris et après lui, Adam Ferguson ne font que développer les arguments de Platon. Mais ce qui distingue Adam Smith, qui est à certains égards en retard sur ses prédécesseurs, c’est qu’il utilise l’expression « l’accroissement des pouvoirs productifs du travail ».
Notes marginales sur l’Histoire critique de l’économie politique est le nom d’un manuscrit de Marx et « Sur l’« histoire critique » » est le titre du dixième chapitre de l’œuvre Anti-Dühring d’Engels. Ces deux textes coïncident exactement dans la plupart du temps. En fait,
76 « if my Neighbour by doing much with little labour, can sell cheap, I must contrive to sell as cheap as he … The more variety of Artists to every Manufacture, the less is left to the skill of single Persons »
Henri Martin, Considerations Upon the East India Trade, London: A. and J. Churchill, 1701, pp. 67-68.
77 « Toute la preuve que la société est quelque chose de naturel » (c’est-à-dire grâce à la division des « activités » ) « est tirée du deuxième livre de la République de Platon ».
Karl Marx, Le Capital…, p. 411.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 303.
dans sa préface à la deuxième édition d’Anti-Dühring, Engels déclare que les idées dans ce livre sont en grande partie celles de Marx et très peu les siennes. Il ajoute aussi que ce livre n’a pas été écrit à l’insu de Marx, qu’Engels lui a lu tout le livre avant sa publication. Engels les explique parce que Marx n’est plus vivant lorsque la deuxième édition est publiée. Engels déclare que Marx avait écrit tout le chapitre « Sur l’« histoire critique » », mais malheureusement il devait le raccourcir un peu pour des raisons externes. Dans les Notes marginales sur l’Histoire critique de l’économie politique, il y a une section intitulée « l’Antiquité Grecque » et parallèlement à cela, tout au début de l’Anti-Dühring ; Xénophon et Platon sont mentionnés dans le contexte de la division du travail. En fait, c’est simplement l’utilisation des arguments que nous avons auparavant cités contre Dühring. Dans ce chapitre, Engels répond à l’idée de Dühring selon laquelle la théorie économique scientifique ne peut rien trouver de positif sur ce sujet dans l’Antiquité78 : selon Engels, l’économie politique, tel qu’elle émerge historiquement, n’est en réalité que la connaissance scientifique de l’économie de l’époque de production capitaliste. Pour cette raison, les thèses et les théorèmes relatifs à cette période ne peuvent se manifester chez les écrivains grecs anciens que dans la mesure où certains faits comme le commerce, la monnaie et l’intérêt sont communs aux deux sociétés. Les Grecs montrent même l’ingéniosité et l’originalité dans leurs études économiques dans tous les autres domaines. Par conséquent, leurs points de vue constituent historiquement les points de départ théoriques de la science moderne.
Après avoir répondu à la critique de Dühring sur ceux qui trouvent la distinction de la valeur d’usage et la valeur d’échange dans
78 Engels cite le texte ci-suivant :
« Hienach hätten wir in Bezug auf eigentliche Wirtschaftstheorie vom Altertum eigentlich gar nichts Positives zu berichten, und das gänzlich unwissenschaftliche Mittelalter bietet dazu noch weit weniger Veranlassung »
E. Duhring, Kritische geschichte der nationalökonomie und des socialismus, Berlin: Theobald Grieben, 1871, pp. 16-17.
Ainsi, en ce qui concerne la théorie scientifique de l’économie, nous n’aurions, à proprement parler, [ !] rien du tout de positif à relever dans l’antiquité, et le moyen âge totalement antiscientifique donne encore beaucoup moins sujet à cela [à cela, à ne rien signaler !]
F. Engels, Anti-dühring : M. E. dühring bouleverse la science, trad. apr Emile Bottigelli Paris: Editions Sociales, 1963, p. 262.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 304.
la conception d’Aristote – parce que selon Dühring, elle a disparue tout récemment – Engels cite une phrase de Dühring sur la division du travail : « Dans les œuvres de Platon sur l’État, on a voulu trouver aussi le chapitre moderne de la division économique du travail.»79 Engels considère cette critique comme ce qui se réfère au douzième chapitre de livre premier du Capital que nous l’avons auparavant étudié. Au lieu de retrouver le chapitre moderne de la division économique du travail dans l’antiquité classique, la division du travail chez les anciens et l’opinion moderne est évaluée comme une opposition sévère. Dühring sous-estime l’idée de Platon qui a beaucoup de génie pour son époque de la division du travail comme la fondation naturelle de la cité qui est identique à l’État pour les Grecs ; parce que Platon ne mentionne pas la limite posée80 par l’ampleur du marché pour la multiplication des métiers et la division particulière des opérations dans un travail. En se référant au texte de Cyropédie, Engels fait rappeler à Dühring comme suit : « mais le grec Xénophon mentionne la « limite », M. Dühring ! »81
Quoiqu’il n’y ait pas de référence directe à Aristote dans le contexte de la division du travail, dans plusieurs ouvrages, Marx et Engels se
79 Ibid., p. 263.
« In Platons Schrift über den Staat hat man unter vielem Andern auch das moderne Capitel von der volkswirtschaftlichen Arbeitsteilung finden wollen. »
E. Duhring, Kritische geschichte der nationalökonomie und des socialismus…, p. 19.
80 « welche der jeweilige Umfang des Markts für die weitere Verzweigung der Berufsarten und die technische Zerlegung der Spezialoperationen setzt – die Vorstellung von dieser Grenze ist erst diejenige Erkenntnis, mit welcher die sonst kaum wissenschaftlich zu nennende Idee zu einer ökonomisch erheblichen Wahrheit wird. »
E. Duhring, Kritische geschichte der nationalökonomie und des socialismus…, p. 20.
« limite que l’extension donnée du marché oppose à la ramification plus poussée des genres de métiers et à la dissociation technique des opérations spéciales. – Seule, cette notion de limite est la connaissance grâce à laquelle l’idée qu’autrement on ne pourrait guère qualifier de scientifique, devient une vérité économique considérable »
F. Engels, Anti-dühring : M. E. dühring bouleverse la science, p. 263.
81 « wohl aber der Grieche Xenophon, Herr Dühring! – die « Grenze » erwähnt »
F. Engels, Herrn Eugen Dührings Umwälzung der Wissenschaft, Anti-Dühring, Stuttgart : Dietz, 1894, p. 214.
Seçkin, A. Y. (2023). La division du travail dans l’histoire de la philosophie. Paradigma Akademi. p. 305.
réfèrent à celui sur les sujets de la valeur d’usage et d’échange, de la monnaie et de l’intérêt. Il y a d’autres références à Platon et Xénophon, notamment sur la monnaie. Puisqu’ils ne sont pas directement liés à la division du travail ; nous ne les citons pas ici. En conclusion, nous avons complété les interprétations de Marx et Engels sur les écrivains de l’Antiquité, notamment Platon et Xénophon, à l’égard de la division du travail.
Donc, tandis que nous avons tracé une ligne générale sur le sujet de la division du travail en exposant les approches de la division du travail dans l’histoire de la philosophie, nous avons trouvé tout le matériel nécessaire à notre question principale. Or, ce que nous devons faire pour prendre position à l’égard de notre question principale, c’est seulement exposer et interpréter les relations entre les matériaux que nous avons extraits.